Tête de chien Morten Ramsland

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Tête de chien est le portrait d’une famille haute en couleurs. Mortem Ramsland nous livre ici une fresque truculente, drôle et plaisante. Tête de chien entremêle les histoires et reconstitue la part imaginaire sur laquelle repose chaque existence.

Une littérature qui laisse place aux voyeurs que sont tous les adolescents, les écrivains ou les peintres. La bonne idée de ce livre est de montrer que ce narrateur se plonge dans les histoires d’autrui, en enregistre littéralement la captation sauvage, pour échapper à ses propres peurs. Celle de cette obscure tête de chien qui terrorise le narrateur depuis une enfance mouvementée d’être au carrefour d’une histoire toujours familiale et jamais lourde inscription historique. Une seule illustration. Tête de chien n’est pas un roman de plus sur la seconde guerre mondiale. La peur d’Asberg est la conséquence de celle de son grand-père poursuivi par des « chiens de sang» dans un camps de concentration.

À mon sens, une des réussites de ce livre qui n’est pas une saga familiale de plus tient à l’optique picturale dont ne se départit jamais ce roman. Le grand-père, Askild, est une présence violente, alcoolique, qui hante tout le roman. À la sortie des camps, son monde reste déformé, cubiste, comme les tableaux qu’il barbouille et les plans qu’il dessine pour gagner sa vie. Son petit-fils, sans instaurer le dialogue, devient peintre pour donner un visage à ses peurs enfantines comme son père avant lui dessinait des monstres dans toutes ses cachettes enfantines. Ramsland, sans frime, intègre cette vision picturale, cette inquiétude pour un défaut de traitement. La métaphore n’est aucunement outrancière sans doute parce que le livre raconte une profusion d’histoire.

La famille est fantaisiste, elle ne tient que par ses histoires. Les mensonges arrangeants deviennent un héritage démonétisé. Le petit-fils en est un témoin exact dans la mesure où il n’est aucunement fiable. Par certain aspect, par cette solution par l’image ici diffuse, ce roman m’a fait penser à L’été des noyés de Burnside. La truculence en plus.

La non-fiabilité du petit-fils devient précisément un gage d’authenticité. Chaque personnage, pour sa force visuelle, écope d’un surnom qui tient lieu de description physique. Le narrateur est appelé, après « le fils de pute », le menteur. Un mythomane aux origines incertaines qui aime à déverser des tombereaux d’insultes et de vies imaginaires. Une belle définition de la littérature.

La force des personnages, volontairement caricaturaux, permet d’échapper à l’inscription historique et surtout à la nostalgie maniaque d’une reconstitution que je ne peux m’empêcher de trouver tourner en rond.

De la même façon, Ramsland évite un écueil qui hantait mes dernières lectures : une identité nationale qui me paraît une identité douteuse tant qu’elle n’est pas une hérésie, un discours menteur donc. Ce roman retrouve le domaine scandinave, pourtant le lecteur n’apprend rien sur le caractère norvégien, danois… Rien d’autre que ce que peut en percevoir un enfant. Tous les personnages de cette farce sont animés d’un désir de fuite qui dessine, peut-être, une psychologie un peu simpliste.

La quatrième de couverture parle d’un « réalisme magique» je trouve ce qualificatif poussif. Certes, le père du narrateur s’égare dans une forêt où il va rencontrer les deux déesses (l’une blonde et l’autre brune !) qui vont scinder son existence. Mais la magie reste un discours d’ivrogne, une simple croyance individuelle.

Un livre semble-t-il peu connu et à découvrir comme une lecture plaisante sans excessive profondeur.

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