Quatre saisons à Mohawk Richard Russo

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Dans Quatre saisons à Mohawk, Richard Russo livre une fresque toujours comique sur l’enfance déchirée du jeune Ned Hall. À travers le destin de ce jeune garçon, où il est aisé de reconnaître l’auteur, Quatre saisons à Mohawk est une apologie de la prise de risque.

Ce roman aux allures presque classiques, sans doute de douté de 1986 malgré une traduction de 2005, se divise en quatre chapitres. Autant de saison dans cette petite ville fictive du Nord des États-Unis. Une division temporelle d’emblée subvertit par ce comique qui, tout au long de ce roman, permet une vraie vision de l’Amérique. Dans cette partie du monde, l’Hiver recouvre une bonne partie de l’année. La saison où le père vit, et meurt, en retrait, fauché et en chômage. L’été, là-bas, se réduit à un seul jour : le 4 juillet. Reste alors de vagues saisons intermédiaires : la fête foraine et mange-ta-dinde pour l’action de grâce rituellement rendue aux indiens colonisés. Le décor n’est jamais dénué d’intérêt : quadriller un territoire revient souvent à rendre compte de ses aléas climatiques. Mes lectures tendent des liens aussi hasardeux que cette météo inclémente retrouvée autant dans Un dernier verre au bar sans nom que dans Et quelques fois me vient comme un grande idée.

Fort heureusement, cette division temporelle n’induit aucune narration aussi linéaire. L’action de ce roman se concentre sur plusieurs années, avec autant d’ellipses et de magnifiques trous de mémoire. Quatre saisons à Mohawk pourtant n’évite pas les étapes attendues du roman d’initiation : une première partie évoque presque nécessairement le paradis enfantin. Celui ou Ned Hall vivra avec sa mère. Où il prendra aussi conscience de la folie de cette sage prudence où le confine sa mère.

Le livre, dédié au père de l’auteur, fonctionne sur les apparitions de ce père fantasque. Revenu traumatisé de la seconde guerre mondiale et depuis dans une fuite permanente. Avec la verve du roman picaresque, le narrateur se laisse admirablement portée et ne croit jamais trop aux explications avancées par son père. Elles ne sont jamais que du bluff. Au mieux une explication rétrospective de cette chance qui semble le seul souci de Sam Hall. Le pari et son mensonge, la réussite comme un crédit est un des grands thèmes du roman américain. Très souvent d’ailleurs dans la mise en scène d’une relation avec un père joueur compulsif. Le chardonneret nous en donne un autre exemple frappant.

Livre sans conteste empreint d’autobiographie, Richard Russo parvient à en éviter tout narcissisme. Sans aucun doute par le foisonnement romanesque, trivial mais sans vulgarité, des aventures de son personnages soumis à l’imprévisible logique paternelle.

Ce portrait du joueur commence par un enlèvement. Étape rituelle du père apprenant à pêcher à son fils. Sam Hall s’en avère parfaitement incapable. Wussy son comparse rieur y pallie à peine. La scène est du plus haut comique. Le roman touche quand chacune de ses étapes apparaît un portrait en creux des mythes fondateurs de l’Amérique.

Ensuite intervient, avec cette logique déréglée des paris dont se nourrit Sam Hall, le récit du jeune enfant livré à lui-même. Entre illégalité et culture clandestine, Ned Hall se trouve des familles de substitution. Toutes parfaitement dysfonctionnelles, toutes drôles d’une douleur rendue sans pathos. L’enfant apprend le sens des affaires, se fait dépouiller par son père. Le mythe encombrant du self-made man n’a dans Quatre saisons à Mohawk aucune place. Richard Russo y substitue une logique de prodigalité, de dépenses magnifiques qui escomptent du soutien lors des mauvais jours.

Dans cet univers d’arrières-salles de bistrots sordides, bookmakers et errances éthyliques, Russo voit une autre Amérique.Celle d’homme seuls, vantards et pathétiques, menteurs magnétiques. Bref cette présence mythique qui fonde l’identité d’un lieu. À la disparition de son père, l’identité même de Mohawk  semble être remise en compte. Ne jamais perdre de vue cette littérature de laisser pour compte, glorification des perdants seulement pour leur aveuglement et l’invention dont ils recouvrent cette réalité décidément invivable. Avec une admirable capacité à se renouveler avec une belle fidélité à lui-même, Russo retrouve ce goût pour les dingues et les paumés dans À malin malin et demi. L’occasion de souligner le grand humour de Russo, sans doute indissociable de tout grand conteur.

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