Méfiez-vous des contrefaçons est un roman policier d’une facture classique. Ses personnages et son intrigue ont suscité en moi une tenace impression de déjà-vu et des réticences. Une lecture sympathique à condition de dépasser ce sentiment. Rarement j’ai autant éprouvé la certitude de ne pas entrer dans un univers.
Avouons tout d’abord une gêne profonde. À l’origine de ce carnet de lecture, je n’avais aucunement envisagé de « dire du mal » d’un livre. Il s’agissait surtout de tirer de chaque livre ce qui permettait d’affiner ma réflexion et surtout d’alimenter le portrait en creux dessiner derrière ces impressions de lectures. Ce livre a été reçu en service de presse. Je l’aurai sinon passer sous silence.
Le lieu-commun voudrait alors d’afficher au moins la délicatesse d’une critique constructive. Je doute de ma capacité à mettre en place cette notion à laquelle je ne crois pas. Se dédouaner en pointant des erreurs factuelles (la Carlseber est une bière danoise et non suédoise par exemple) n’apporte rien. Contentons-nous d’impressions de lectures. Avec toutes mes excuses pour l’auteure que j’aurais préféré éviter d’éreinter.
D’abord, j’ai été incapable de croire un seul instant au protagoniste de cette histoire inutilement embrouillée avec son lot de cadavres dans le placard. Victoire Médélec aurait pû être une héroïne sympathique si, à toutes les pages où presque, l’auteure n’insistait pas sur son indépendance d’esprit, le refus de son anarchisme viscéral. Je passe sur pas mal de formules convenues de cet acabit. Le flic, Agnelli, reproduit lui aussi un refus de l’engagement dont la répétition finit par sembler caricaturale.
Ce ne serait qu’un détail, je crois, si la liberté de ce personnage transitait dans une écriture un tantinet plus inventive, échappant aux clichés donc qu’elle entend pesamment dénoncer. Certes, le style d’Agnès Boucher est parfaitement fluide mais il l’a parut progresser sans heurts ni rythmiques dissonances. Plus grave encore sans ellipses ni accélérations.
Si je craignais d’à mon tour m’y soumettre, je me demanderais si la psychologie des personnages, toujours très explicatives, et leur comportements attendus ne traduisent pas la vision un peu trop sage de l’auteure. L’inspecteur est « autiste » mais sans apporter une vision nouvelle sur son enquête classique jusqu’au banale. Sa suspecte, Victoire Médelec, est une lesbienne s’obstinant à fuir toute attache à cause, l’auteure le suggère avec un implicite pas même maîtrisé, d’une enfance traumatique. Le tueur, en série, bien sûr, répond à une psychologie encore plus mécanique : voix et dédoublement de la personnalité, aucun de ses motivations ne nous sera épargné. J’avoue néanmoins mettre presque laisser prendre au dénouement de Méfiez-vous des contrefaçons.
Outre ces personnages peu crédibles et à mes yeux franchement agaçant, l’autre entrave à ma lecture est l’impression d’évoluer dans un roman au décor emprunté. Pas la plus petite inscription spatio-temporelle. Paris est une ombre, sans le moindre non de rues, sans aucune description. Pourquoi pas. Mais ce décor inexistant donne lieu (si j’ose dire) à un défaut d’atmosphère, de précision dans les sensations qui permettrait d’incarner ces personnages existant dans une pétition de principe. L’enfance est en Normandie, sans plus de précision ni de fugace instantanées où affleure une sensibilité. Dès lors la dénonciation de la bourgeoisie d’argent et de pouvoir sonne creux, datée, à peine mieux qu’un poussif ressort journalistique.
Un livre donc dont je vous épargne la lecture. Une note qui, hélas, me laisse entrevoir le plaisir facile de descendre un livre.
Ce livre a été reçu en partenariat avec Livraddict. Merci à eux.
Ça a le mérite d’être clair… Et puis il n’y a pas de « je n’avais aucunement envisagé de « dire du mal » d’un livre », je ne te trouve ni trop sévère ni insultant, tu argumentes bien, l’auteure n’y peut rien, elle trouvera bien d’autres lecteurs qui aimeront son livre, tu as juste dit ce que tu pensais de manière juste.
En tout cas, pour moi qui ne lis quasiment pas de polars pour le moment, ce n’est peut-être pas le premier vers lequel je me dirigerai quand je voudrais en tenter un. Merci pour ta sincérité en tout cas.
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