Attends-moi au ciel Carlos Salem

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À travers la renaissance d’une veuve confite en dévotion, dans Attends-moi au ciel, Carlos Salem nous livre, comme à son habitude, un récit hilarant avec une intrigue pleine de rebondissements incroyables. Cette vengeance d’une veuve est alors un boléro, un peu sentimental, un rien ridicule et entraînant en diable.

Je l’avais déjà noté : le polar ibérique se porte bien, Actes Noirs nous en présente des voix divergentes. Carlos Salem, contrairement à Victor del Arbol, incarne avec maestria sa verve comique. Si vous ne connaissez pas encore cet auteur, précipitez vous sur Le plus jeune fils de Dieu ou Je reste roi d’Espagne.

Dans Attends-moi au ciel, le lecteur retrouve tous les ingrédients de cette légèreté égrillarde qui a fait le succès du roman noir avant qu’il ne se pare de respectabilité, voire de ce plat réalisme documentaire. Ce genre de romans porte l’exigence de se foutre de tout, de se moquer de pas mal de conventions dont il détourne l’usage. Salem se moque de la vraisemblance de son intrigue sans pour autant en faire un pur objet d’écriture comme dans Envoyée spéciale.

Tout commence ici par le meurtre d’un chien comme nous l’indique plus clairement le titre original. Piedad – au nom prédestinée – aurait dû plutôt casser une assiette plutôt que l’ensemble de la vaisselle. Quand elle perd son mari, dans un accident de voiture suspect, Piedad comprend abandonne lentement sa dévotion, sa vie de bonne sœur. Nous sommes ici au cœur de ce mauvais goût dont sait faire preuve ce mauvais genre que continue à être le polar. La veuve devient indigne, débauchée comme seuls savent l’être les défroqués.

Par un effet de miroir hasardeux, je retrouve dans Attends-moi au ciel ce dédoublement de personnalité qui servait de dispositif narratif à La veille de presque tout. Piedad entend une voix, celle en elle qui est attirée par la chair, celle dont son mari dissimulateur était – ou prétendait être – tombé amoureux. Mais ici, ce n’est pas sérieux. Ce discours d’accompagnement vaut autant que les paroles de vieilles romances dont Piedad accompagne sa vie ou, avec un irrésistible comique, les proverbes hérités de son père. Au fond, tout ceci ne veut rien dire, des justifications aux cadavres qui s’accumulent autour de la veuve manipulée devenue manipulatrice.

Dans les livres, l’héroïne qui vit un journée parfaite n’a pas de voix intérieure qui la bombarde de remarque sarcastique.

Le lecteur retrouve ici le personnage, argentin archétypal, de Soldati. Quand il y a de la misère qu’elle ne se voit pas ne cesse-t-il de répéter. (J’avoue être infoutu de me rappeler le titre de Salem où il part vendre des glaces dans le désert en compagnie de Carlos Gardel… N’hésitez pas à me le préciser en commentaire). Nous retrouvons aussi l’attraction de Salem pour les gourous camés plus qu’allumés. Le tout, sans vouloir trop en dévoiler davantage, dans une intrigue toujours très drôle et passablement imprévisible. Le mari laisse des indices vers le magot : ils contraignent Piedad à revenir sur son passé dans une évocation tenue et empathique.

Donc un livre qui vous fait garder le sourire sans doute par l’ironie avec laquelle il traite sa tonalité mélancolique.

4 commentaires sur « Attends-moi au ciel Carlos Salem »

  1. Puisque vous posez la question : Soldati apparaît pour la première fois en glacier du Sahara dans Aller Simple.
    (Et remerciements de la traductrice pour votre fine lecture !)

    Aimé par 1 personne

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