Derrière le masque d’une intrigue policière, dans Mathématique du crime, Guillermo Martinez se livre à une brillante démonstration sur les spéculations sur les signes, et nos façons de les relier entre eux, qui unissent la magie, les mathématiques et le meurtre. Un roman captivant.
Commençons par une évidence paradoxale : la mise en résonance de mes lectures laisserait entendre une certaine attraction magnétique pour le domaine mathématique. En effet, La déesse des petites victoires et À la lumière de ce que nous savons se servaient déjà du théorème d’incomplétude comme cadre de leur récit. Mathématique du crime procède ainsi mais avec une parfaite élégance didactique et une économie narrative des plus resserrée.
Pour mieux servir une intrigue limpide mais complexe (le dénouement est devinable hormis le dernier rebondissement), Martinez se sert d’un cadre connu qu’il a la finesse de ne pas caricaturer à l’extrême. Oxford. Le décor existe dans ce roman presque de lui-même, dans le portrait de ses personnages que ce soit la logeuse engagée, à l’époque, pour aider à déchiffrer Enigma ou une intrigante violoncelliste sous sa domination. Sans pesante précision, nous voilà dans le roman de Benjamin Wood.
Hormis bien sûr le discours d’accompagnement mathématique dont se charge ce roman. Avec un peu moins d’ostentation que dans Vies de papiers, ou peut-être parce que ces anecdotes sont de moi moins connues, les mathématiques servent à réfléchir sur la fausse rationalité qui relie nos actes entre eux. Peut-être, comme moi, ne connaissez-vous pas le paradoxe de Wittgeistein qui sert d’assises à ce roman assez malin pour ne pas frimer.
La série 2,4,8 peut être poursuivie par le chiffre 16, mais aussi par un 10, ou par 2007 ; il est toujours possible de trouver une justification, unVies de papierse convention, qui permette d’ajouter n’importe quel chiffre en guise de quatrième occurrence.
Le narrateur, naïf mathématicien argentin débarqué à Oxford, fera alors l’expérience de meurtres imperceptibles en série. Plus que le dénouement de l’enquête, le plus intéressant dans ce roman m’a alors semblé la façon d’interroger la place prise par la psychologie, la prédominance de ses interprétations faciles pour donner sens et continuité à nos actes.
Au-delà donc de ses réflexions mathématiques, assez compréhensibles ou tout au moins pas si déterminantes, la manière d’interroger les mathématiques comme un science offrant un refuge, comme dans À la lumière de ce que nous savons, me paraît pertinente pour donner vie aux personnages de ces crimes imperceptibles (tel est le titre original plus évocateur à mon sens). Une sorte de reconnaissante inquiète avec les lecteurs tous frappés, à mon sens de l’hypothèse mélancolique, mais aussi d’une forme de panique de voir réaliser leur fantasmagorie :
dès ma plus tendre enfance, j’avais remarqué que les conjectures que je formulais sur l monde réel s’accomplissaient, s’accomplissaient toujours, mais en empruntant des voies étrangères, de la façon la plus horrible, comme pour m’avertir que je devais me tenir éloigné du monde des autres {…} Ce qui me fait le plus peur, c’est ce qui m’est arrivé toute ma vie : que mon idée soit finalement exacte, mais de la façon la plus horrible.
Portrait me semble-t-il de beaucoup d’entre-nous. De moi-même en lecteur, captant seulement d’hasardeuses redondances, m’acharnant à y placer une constellation de sens ou de mélancoliques théories.
La seule minuscule réserve pour cette lecture agréable serait la fausse piste pythagoricienne. Guillermo Martinez est trop malin d’ailleurs pour ne pas la rendre comme une caricature de l’explication ésotérique implorée par un certain nombre de lecteurs.
Evidemment que ça me parle ! 🙂 Je m’empresse de noter ce titre, je te donnerai des nouvelles 🙂
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Hâte de lire ton avis si tu te plonges dans ce court et captivant récit.
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