Je m’enneige Benoît Sourty

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Une filiation lourde entre maladie et silence, une fuite jumelle pour un dernier voyage basé sur un jeu de mots, portrait d’une génération prétendument à la dérive, par cet excès de significations Je m’enneige à peiner à me convaincre. En dépit de son écriture alerte, sans aspérité hélas, Benoît Sourty nous livre ici un roman noir certes plaisant, calibré pour une lecture d’un seul trait, mais qui ne m’a pas marqué.

Dire tout le mal que l’on pense d’un livre continue à me paraître un exercice peu enrichissant. On y apprend rien et, pis, il est si facile d’alors se laisser prendre à des formules faciles. On pourrait par exemple dire, pour se moquer facilement du dénouement grandiloquent, si le personnage de la mère et du fils s’enneigent, le lecteur lui s’ennuie. Manière de briller à peu de frais dans une rhétorique ronflante et gênante surtout de n’être pas tout à fait exacte. Ce carnet de lecture, en toute immodestie, se propose un exercice de pensée et partant d’écriture. Une sorte de gamme pour cerner au plus près ce que l’on pense.  En approche alors, toujours. Je m’ennuie ne m’a pas franchement déplu, pas véritablement non plus ennuyé. Il a juste peiné à susciter une émotion personnelle. Situer mon flottement à la fin de ce bref roman reviendrait à interroger ceci. Tout au long de l’intrigue qui se déroule imperturbable, avec une maîtrise que j’aurais aimé un peu plus accidentée, je me suis demandé ce qui exactement motivait l’auteur. Non qu’il s’agisse uniquement de reconnaître dans un livre ce que l’auteur met de lui. Encore que… Plutôt à quel appel répond son roman.

Tableaux invisibles, quand toujours trop de mots dans les livres, de notes dans la musique, de monde autour de moi parfois.

On connaît l’obsession de Dashiell Hammet d’écrire un roman policier avec le moins de mots possibles. Je m’enneige domine le lapidaire pour déjouer le pathos, passer à autre chose quand la situation impose ses violons. « Se dire des évidences et se taire sur l’essentiel. » Un mot néanmoins manque. La petite ville de province où se déroule à la dérive, dans la fuite d’un « fatalisme joyeux », la vie grevée du narrateur. La ville, probablement voulue par l’auteur comme un non-lieu, n’est jamais décrite et, plus gênant, jamais ressentie. Les villes de moyennes importances se ressemblent, subissent à marche forcée une uniformisation marchande. Certes, mais cet argument sociologique empressé ne suffit pas à excuser de ne pas en chercher les spécificités, en débusquer les sympathies. On en vient ainsi au cœur du propos : mettre en scène une génération un peu paumée qui s’enfume et écluse les bières. Oisive jeunesse, on connaît le refrain. On aurait aimé le voir incarner, pris dans ces contradictions et ses espoirs. Plutôt à l’image du Jeu de la musique que comme des figures interchangeables. Très difficile de fait de distinguer les amis du narrateur, le brouillard des présences féminines. On finit même par se demander ce que souhaite dire l’auteur dans cette radioscopie pas assez précise.  Soulignons quand même que ce brouillard prend une certaine tonalité dès que Benoît Soutry parvient à en rendre les glissements temporels, les amnésies égalisatrices.



Merci aux éditions Asphalte pour ce roman

Je m’enneige (155 pages, 16 euros)

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à consulter mes propres écrits ici.

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