Vazen 4

La scénographie semble mal chronométrée. La seconde vague de baignade s’échelonne au hasard. La mer baisse et avec elle la température. La large étendue de sable de cette anse réchauffe la flotte doucement. Comme une menace bientôt le ciel se couvrira. Ceux malins ou avertis se hâtent vers une deuxième baignade. Certains moins prévoyant rejoignent juste leurs gosses trop occupés à jouer pour ressentir la fraîcheur.

Les adultes, grandes sœurs ou cousines, sont préposés à les sortir de l’eau. Elles insistent et cajolent, réfutent boudeusement la possibilité de mouiller leur bronzage soigneusement crémé. Peut-être regrettent-elles vaguement le plaisir sans partage d’heures écoulées dans trente centimètres d’eau.

Qui n’aimerait pas s’en foutre éperdument de ce qui va venir après ? Qui oserait penser que l’enfance n’a pas ses soucis obstinément réfutés dans l’acharnement du jeu ?

Chassé-croisé de baignade et de quatre-heure. Des biscuits engouffrés avec un appétit dévorant. On se fait asticot pour échapper à la crème solaire. Le jeu soudain moins urgent suscite des scissions. Terrible solitude de l’enfant boudeur, inquiet peut-être de voir les premiers départs.

Quelques nuages et le soir se devine dans une prémonition inquiète.

La plage se découvre, l’espace se libère. Les grands-enfants le colonisent. Arrivés discrètement, les pères défient leur fils aux raquettes. La compétition comme façon de se distraire comme si sa vie en dépendait. Une fois rentable, le plaisir en est-il encore ?

Le niveau indique une longue pratique. Les échanges s’éternisent. À ne jamais tomber, le bruit de la balle forme une rumeur en accord avec celle des vagues. Une sorte de calme après l’agitation.

Pour suspendre l’éclat de ce refuge, prenons un peu de hauteur. Suivons, sur l’autre face, ce basset qui, de loin, devance des promeneurs. Il ne voit aucune raison, lui, de s’arrêter à l’entrée de la plage. Un simple instant d’hésitation pour savoir comment franchir le ru qui dévale vers la mer. Il saute et jappe. Sa queue ne cessera de battre, heureuse, durant toute l’ascension.

Ses maîtres gueulent, s’indignent de ne pas le voir obéir. Il s’en fout, se réjouit de les voir partager enfin autre chose que des vacheries. Un instant, d’en haut, le spectacle les apaise.

De l’autre côté, l’anse paraît plus encaissée, la plage se devine plus rocheuse. Certains ne jurent que par ce côté, arrivent tardivement comme pour n’avoir pas de place sur le sable sec. Un peu plus de calme à se casser le dos sur des cailloux.

À moins que ce ne soit l’habitude, on les repère à ça les campeurs : une certaine pratique de l’inconfort. Une tradition à conserver à tout prix. Sur des terrains, achetés ou légués, ces estivants entretiennent un autre rapport à la terre. Une forme d’écologie sans eau ni électricité. Peut-être même une plus forte capacité à jouir de ce soleil et du repos auquel il invite. Laissons-les somnoler.

La mer maintenant découvre des criques. Tout à l’heure des plongeurs amateurs, au tuba, en exploraient les algues flottantes, les courbes mystérieuses. Désormais, avec harpon et bouée de suivie, les plongeurs, plus âgés, se lancent dans la pêche à l’araignée, de l’autre côté du rocher dont les flancs sont découverts.

De petits groupes essaiment partout sur les espaces découverts. À l’abri des rochers on pourrait presque croire robinsonner. On enterre les bouteilles d’eau même si on sait le soleil à ses derniers éclats. On sermonne à peine les enfants lancés dans dendiablées parties de foot. Temps déjà de se changer, d’enfiler un t-shirt sur une peau trop chaude.

Les plus entreprenant pense à l’apéro, une bière de fin d’après-midi au café près de l’épicerie. C’est sur la route ou presque.

Plus personne dans l’eau. Sur ce signal, la plage se vide. Temps si vite passé de la baignade et des rires. On se salue en repliant l’équipement. On se sait trop chargé. On se demande pourquoi on s’entête à enlever avec tant d’entêtement le sable de nos sandales. La douche est la seule issue de cette journée irradiée. Sur le sentier, on se dit que, demain, on changera peut-être de plage. On verra selon la marée dont, déjà, on a oublié les horaires. On sera là quand même. Demain.

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