L’enfance de Louis, la Nouvelle-Orléans et ses tonk, la naissance du jazz, la misère et la musique. Claire Julliard, sous une allure de faux entretien, explore cette partie peu connue de la vie de Louis Amstrong. Little Louis donne à entendre la voix du maître, son optimisme, sa joie et cette confiance œcuménique dans la musique. On lit cette libre évocation comme on écoute un morceau de Louis Amstrong, entre blues et joie.
On peut toujours s’interroger sur l’intérêt de s’approprier une vie, d’en faire un roman peut-être seul apte à donner à voir la complexité de la vie d’un homme. Il faut pourtant reconnaître à Claire Julliard le vrai talent de rendre limpide son évocation de la période la plus mal connue de la vie de Louis Amstrong. Une façon de se mettre à hauteur de personnage pour éviter la dévotion d’une inutile hagiographie. Louis Amstrong apparaît dans toutes ses failles : son rapport aux femmes et surtout non tant son rapport à la ségrégation que la façon dont sa figure a pu être utilisée par la bonne conscience blanche. Une question compliquée qui permet à l’autrice de rentrer au coeur du personnage : Louis Amstrong se définit lui-même comme un bateleur, un clown au désir éperdu de plaire.
On touche d’ailleurs aux limites mêmes de l’exofiction : s’emparer d’un personnage pour retracer son destin contraint aux reconstructions psychologiques. Claire Julliard les élude en donnant la parole à son personnage, en le laissant dérouler la façon dont il s’est façonné son propre mythe. La Musique fut ce qui sauva Louis Amstrong. Ça paraît simpliste, est-ce pour autant faux ? Little Louis est avant tout un exercice de remerciement : parler de soi devrait sans doute être davantage un remerciement à touts ces rencontres qui nous ont façonnés. Une série de rencontres, de personnes bienveillantes ou sous le charme de ce gamin plein d’énergie. De sa grand-mère à tous ces musiciens, la vie est toujours invraisemblable. Comme l’est par exemple sa rencontre avec une famille juive, l’identification des malheurs communs fait par le jeune Louis.
Tous le charme de Little Louis tient, presque plus qu’au personnage d’Amstrong, à l’évocation d’une ville : La Nouvelle-Orléans. Ces bars clandé, sa naissance canaille du jazz, pas mal de musicien était aussi souteneur. Les calamités qui la frappe, sa grandeur dans sa misère. On y est. L’autrice souligne d’ailleurs qu’une grande partie du jazz c’est aussi la nostalgie pour cette ville. Little Louis est alors un roman très swing.
Merci aux éditions Le mot et le reste pour l’envoi de ce roman.
Little Louis (237 pages, 20 euros)