Djinn City Saad Z. Hossain

De l’ADN des djinns, de nos mythologies et de leurs amalgames. Djinn City, roman d’aventures plein de fantaisies, d’une imagination débridée mène une interrogation sur la notion d’identité, le rapport à l’autre et son exclusion au nom d’une prétendue supériorité. Saad Z. Hossain entraîne son lecteur dans un univers plein de folies et séduit surtout quand celui-ci sert de miroir à notre propre monde.

La lecture conserve peut-être tout son intérêt quand elle permet de se confronter avec ce que l’on croit n’être pas pour soi, quand elle permet d’interroger nos réticences spontanées, quand elle permet de fixer ce que nous attendons de la littérature. Je crois l’avoir déjà souligné à propos du très enthousiasmant Capitale Songe de Lucien Raphmaj : je suis très vite perdu dans les romans qui se croient obligés de faire évoluer différentes races, de dresser des catégories pour l’humanité altérée qu’ils projettent. D’une manière un rien trop expéditive on pourrait le dire ainsi : l’aspect d’héroïc-fantasy de Djinn City n’est pas ce qui a su retenir mon attention. On connaît le truc depuis Tolkien : il s’agit de réinvestir une mythologie, de l’ordonner et de la laisser s’affronter en des combats si primordiaux qu’ils en deviennent philosophiques. L’intérêt alors du roman de Saad Z. Hossain serait de nous projeter dans une mythologie perse, dans son orientalisme si empli de charme et des images préconçues dont le romancier parvient à se moquer. On doit alors reconnaître à Djinn City une vraie maîtrise de son récit, un sens du rythme et de la fatalité qui va vous entraîner dans ce récit si souvent drôle et quasiment tout le temps malin.

Saad Z Hossain sait nous montrer l’avers de la réalité, ce soupçon d’ivrognerie, de vie ratée et oisive qui se cacherait derrière la prétendue pratique des sciences occultes. Ah le désir de revanche des littératures dites de l’imaginaire… Indelbed survit dans un quartier misérable de Dakka, dans son clan et face à son poivrot de paternel. Soudain, celui-ci, Kaikobad, tombe dans un coma mal identifié ; l’univers d’Indelbed en viendra à se fissurer. Apprendre que sa mère était une djinn, son père un émissaire peut vous surprendre. Djinn City s’empare alors des codes du roman d’initiation. Avant de totalement sombrer dans un univers où toutes les références et autres justifications paraissent s’abolir. Singulier et rieur univers que celui des djinns. Décalque du nôtre, il en offre une parodie plutôt subtile du Bangladesh. Les djiins sont avant tout d’incroyables procéduriers, de vantards discoureurs, de pathétiques glandeurs. Pour donner du rythme à son récit, pour le laisser aussi glisser dans une temporalité d’un magique décalage, Saad Z Hossain décrit alors aussi les aventures de Kakobad, de son neveu Rais qui devient lui aussi émissaire et aussi de sa tante qui parvient à maîtriser les arcanes de cet univers plutôt drôles. Avouons s’y être parfois un rien égaré : quand Indelbed devient un dragon par exemple, je ne suis guère parvenu à m’identifier à ses aventures ou tout au moins à pénétrer sa psychologie.

Djinn City introduit pourtant alors un problème assez passionnant.On peut quand même penser que l’auteur le fait d’une manière un rien théorique, sans parvenir, et pour cause, à totalement, l’incarner dans ses personnages. Une partie du roman, de ses luttes sauvages portent sur l’ADN et sur la possibilité de créer une créature. Que sont les djinns ? Une manipulation génétique, une erreur de génomes qui, comme l’humanité, a fini par s’acclimater. Djinn City propose tout de même un pastiche de réflexion sur les créationnistes, les isolationnistes, tous ces clans ennemis djinns qui reflètent, on le devine, une réalité brûlante au Bangladesh. Terminons sur la façon dont Saad Z Hossain se sert de son roman pour mener une discrète mais efficace pensée écologique. Une faction des djinns veut anéantir la baie du Bengale par des tsunamis, supprimer l’humanité avant que celle-ci n’en vienne à détruire l’univers qu’elle sur-peuple et épuise. Peut-on encore vraiment lui donner tort ?


Un grand merci aux éditions Agullo pour l’envoi de ce roman.

Djinn City (trad : Jean-François Le Ruyet, 569 pages, 22 euros 50)

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