
L’horreur de l’infanticide, l’étouffant enfermement dans la normalité pavillonnaire, l’insidieuse montée du drame. Nos corps étrangers plonge le lecteur dans le glissement d’une vie de famille ordinaire, insupportable dans ces mesquines trahisons, les conformités de ses évitements. Carine Joaquim signe un roman un rien déprimant dans les failles banales du quotidien, dans l’absence d’issu de son dénouement.
Avouons avoir été proche d’abandonner la lecture de ce premier roman. Sans doute pour de mauvaises raisons : Carine Joaquim y parvient un peu trop bien à communiquer l’enfermement dans cette vie dite normale. Il en ressort une sorte de platitude, pour ne pas dire une reconnaissance de ce que l’on connaît trop bien. Pas envie que nos vies ressemblent à ça… et pourtant nos expériences sans doute se fondent dans le moule de situations diaboliquement prévisibles. Le déménagement en banlieue, la fille qui grandit et affronte sa proverbiale crise d’adolescence, l’adultère qui s’invite pour tromper l’ennui… Pas de quoi être transporté surtout que j’ai été pris d’un soupçon possiblement pas infondé : serait-ce sa vie que l’autrice est en train de nous conter par le menu ? On craint le pire : la rédemption par la peinture à l’image du roman écrit ici, on regarde la description empathique de la vie du collège par une autrice prof d’histoire-géo. Cet aspect renseigné, en connaissance de cause, peut plaire j’imagine ; il m’a laissé assez froid.
Une froideur clinique qui, pourtant, finit par fonctionner. Carine Joaquim livre une description précise de l’expulsion de nos propres corps. L’ombre de la tristesse, un deuil qui ne se fait pas chez le mari, le souvenir d’une liaison, la vie qui continue dans son mensonge. La mère est frappée d’anorexie, elle contient ce vide en elle-même, n’accepte pas ce qui lui arrive. La fille traverse, dans la cruauté et sa curieuse sensibilité refoulée, l’adolescence. Le drame se noue ne disons rien de ce dénouement abrupt. Un mot, peut-être, sur la manière dont Carine Joaquim parvient à montrer les crasses que nous poussent à commettre le sentiment d’enfermement dans le mensonge de nos vies quotidiennes. Un joli traitement de la vie des migrants, de leur corps qui leur deviennent étranger quand il ne sert plus qu’à leur donner un âge, à trouver un prétexte pour les expulser.
Merci à la Manufacture du Livre pour l’envoi de ce roman.
Nos corps étrangers (233 pages, 19 euros 90)
Ma future lecture 😉
J’aimeAimé par 1 personne
salut
J’aimeJ’aime