
Le chagrin comme il ressurgit, la peine tout en pudeur, la tristesse sans effet. Dans ce court texte inédit, V.S Naipaul évoque avec une sensibilité tout de retenue la disparition de son père, de son frère et comment celle de son chat laisse remonter toute l’étrangeté de ce chagrin qui jamais ne nous quitte.
Avouons d’emblée fort mal connaître l’œuvre de Naipaul, avouons aussi que ce bref texte donne envie de poursuivre cette découverte. L’auteur y parvient à cette simplicité : il dit la perte dans son indépassable évidence. Naipaul parvient à l’incarner, à trouver des dérivatifs à sa souffrance pour mieux la laisser apparaître, sans pathos, comme on la vit, en apprenant à composer avec, malgré tout. La mort du père évoqué par un vase, un trajet en train, le rapport à l’écriture. « Nous ne pouvons jamais dire d’avance pour qui nous aurons du chagrin. » Nous savons très bien faire avec, commun aveuglement. L’effondrement ensuite sans le secours d’aucun rite. Pendant deux ans, le chagrin est omniprésent, date tout ce qui se passe à partir de cette mort. Inutile d’en dire plus. Avec la désinvolture que seule la maîtrise permet (on se surprendrait presque à y voir une forme de sagesse), Naipaul passe en apparence à autre chose : la description jusqu’aux derniers instants de son lien avec son chat. C’est con, c’est déchirant. Le chagrin est là, somme inachevée de toutes ses précédentes apparitions. Il submerge d’autant plus que Naipaul ne se départit jamais de sa retenue. Toutes les présences que trop tard on s’invente, le regard moqueur qu’elles portent peut-être sur nos façons de leur survivre. Tout est dit, inutile de commenter. Lisez ce très beau texte.
Merci aux éditions Hérodios pour l’envoi de ce texte
Étrange est le chagrin suivi de Souvenirs de V.S Naipaul par Paul Theroux (trad : Béatrice Vierne, 43 pages, 10 euros)