
Trieste dans ses textes, ses livres et librairies anciennes, ses restes de récits, ses absences décisives comme celle d’Anita Pitonni, Balzen, Saba… Délicieuse enquête bibliographique, appréhension mélancolique de la magie d’un lieu, bribes d’inédits par lesquelles Samuel Brussell dévoile son territoire si littéraire. Alphabet triestin dans un témoignage éperdu.
Une réticence nous permettrait de rentrer au cœur de ce projet. Samuel Brussell opte pour une quête quasi archéologique des témoignages sur Trieste. On peut regretter qu’il ne parle aucunement de ceux qui, maintenant arpentent, inventent le présent de cette ville si compliqué. On pourrait penser, sans rien y connaître, au Claudio Magris de Classé sans suite ou au Giorgio Pressburger de Nouvelles triestines. On pourrait même entendre des voix plus jeunes ou moins reconnues.
Tel n’est sans doute pas le projet éditorial d’Alphabet triestin qui nous offre une saisissante plongée dans le passé, sa mélancolie et sa bora, de Trieste. Des accents un rien surannés, une histoire de rencontres surtout. La première gageure de ce texte à la jolie désinvolture est d’offrir un écrin à la publication du journal d’Anita Pitonni. Samuel Brussel donne à sa publication de texte inédit une allure d’enquête. Par des rencontres, par une jolie ode aux librairies anciennes, il nous donne à voir l’autrice de la si décisive Confession téméraire mais surtout de la fondatrice du Zibaldone. Périodique et maison d’édition, refuge d’un imaginaire. On le lit assez clairement dans son journal de guerre, Brussell parvient à nous l’expliciter : pour Pitonni la plus grande des patries est la pièce où l’on travaille le mieux. Modernité et individualisme mais surtout exigence d’une « poésie honnête » , « son humble parfum de vérité » touche particulièrement dans les toutes dernières pages, un jour avant sa mort, de Pitonni. Il est alors dans ce livre le charme discret, tenace, des curiosités bibliographiques, celles des livres de passeurs.
Après la voix de Pitonni si clairement entendu, l’enquête de Brussel, ses rencontres de hasard, la maîtrise de son texte qui sait conserver ce désordre d’apparence, lapidaire pour ne pas dire stendhalien, paraît s’égarer dans des évocations éparses. À l’image sans doute de l’âme plurielle de Trieste. Ce sont de beaux instantanés, de jolies déambulations comme on passe d’un texte à l’autre, du journal de Stendhal sur Trieste à l’âme du peintre Bolaffio en passant par les souvenirs de l’âme orale de Piero Kern. Le miracle d’Alphabet triestin est de laisser apparaître une ville seulement dans son imaginaire, dans ce qu’en fait son auteur dans un délicieux petit livre à la fausse légèreté.
Merci aux éditions La Baconnière pour ce beau voyage.
Alphabet triestin (127 pages, 19 euros)
Il me le faut ! Merci de cette présentation 🙂
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Je ne sais pas si tu connais mais je te conseille sinon de découvrir Anita Pitonni, surtout sa Confession téméraire
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Je l’ai découverte par la critique que tu en as faite. Elle est sur ma liste de lecture, mais celle-ci est longue et je suis lente.
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