
Polar efficace sur la vie des yakuzas, leur chasse et leur imitation par un policier un peu trop proche de leurs codes et méthodes. Le loup d’Hiroshima ou la mise en scène, avec d’opportunes ratures, de la fascination. Yûko Yuzuki signe un roman sur la procédure policière, ses lourdeurs et ses arrangements pour plonger dans l’ambivalence morale digne des plus grands romans noirs.
On peut se demander si on ne lit pas des polars aussi pour se trouver dans un milieu connu, pour son interrogation des codes et traditions, voire pour la manière dont aucun récit n’échappe tout à fait à ce qui a déjà été dit. On pourrait sentir le cliché : un roman japonais sur les yakuzas, quelle originalité ! Le polar a souvent la vertu de ne pas prétendre faire du neuf, de bien faire ce qu’il sait faire, de trouver d’autres angles pour raconter la même histoire. Le loup d’Hiroshima vaut alors par son jeu de décalage, quasi jeu de doublures. Pour nous faire comprendre ce milieu de la mafia japonaise, Yûko Yuzuki va décrire ceux qui les poursuivent, vivent à leur côté, comprennent ce qu’ils prennent pour leur sens de l’honneur. Juin 1988, nous échapperons à la nostalgie, à la saisie d’une « morale » au moment où elle s’écroule. Figure usuelle du récit, Hioka débarque à Hiroshima, il va seconder l’endeuillé Ôgami. Commence corruption et manipulations. Toujours la même histoire, celle d’une guerre des gangs, pactiser pour éviter un bain de sang, favoriser ce que l’on ne saurait empêcher, se salir les mains. Le lecteur se laisse prendre, sans doute grâce à la traduction de Dominique et Frank Sylvain qui donne toute la saveur au dialogue, ses anglicismes et le ton d’une conversation où l’on sent une reconstitution réussie de l’intonation de la fin des années 80. On aura notre lot de révélation, de jolis renversements de situations et surtout un bel arrangement de la réalité par des ratures dans ce journal de Hioka qui ponctue chaque début de chapitre : façon de demander ce que l’on dénonce vraiment pour en revenir à la question du roman policier, savoir qui accuser une fois que c’est trop tard. Yûko Yuzuki parvient à nous restituer une ambiance précisément par la fascination coupable de Hioka, son adhésion progressive aux méthodes douteuses, morales peut-être d’ Ôgami. Un dénouement un peu triste, comme un héritage des plus ambivalents finit par convaincre du charme de ce polar malin.
Merci à Folio Gallimard pour l’envoi de ce roman.
Le loup d’Hiroshima (trad Dominique et Frank Sylvain, 378 pages, 8 euros 60)
j’adopte ! vous m’avez donné envie de le dévorer
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je n’ai pas lu celui ci ( mais je compte bien le faire) , par contre j’ai lu le suivant, « l’oeil du chien enragé » paru il y a peu. Il est vraiment très bon, j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire, comme j’aurai je pense, beaucoup de plaisir à lire celui ci le moment venu.
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