Le sixième ciel L.P Hartley

Roman flottant sur les flottements d’une personnalité aux inquiètes oscillations. Avec de belles ellipses, litotes et euphémismes, d’un trait sûr, L.P Hartley décrit les perceptions d’Eustache, son attachement pour sa sœur Hilda mais surtout la façon dont nos individualités se construisent sous le regard de l’autre et sur ses jugements supposés. Le sixième ciel, un roman délicat sur le fugace de nos perceptions contradictoires.

Voici un roman qui vous laisse incertain. Vous me direz que je l’ai bien cherché en commençant la lecture de cette trilogie d’Eustache et Hilda par son deuxième volume. Mais c’est peut-être ainsi que l’on juge de la force d’un triptyque : la tenue de sa pièce centrale, sa capacité à expliquer sans se répéter ce qui c’est déjà passé. Dans un sens, on peut dire que Le sixième ciel est un roman parfaitement réussi : son auteur a trouvé une forme qui répond exactement à son projet de dépeindre l’âme velléitaire d’un étudiant à Oxford, un peu attardé, un peu pas à sa place à cause de l’obtention d’une bourse qui vient rejouer la chance de son héritage. Eustache hésite, beaucoup, agit fort peu, s’inquiète des réactions d’autrui, s’aveugle sur sa sœur dont le roman s’amuse à décrire les prétendants et les attractions. L.P Hartley, comme nous l’indique ses notations sensibles sur l’écoute de la musique, compose alors savamment son livre d’une exquise délicatesse. Imperceptibles glissandos pour saisir l’âme de ses personnages. On aime tout particulièrement la façon dont Eustache se projette dans des scènes, imagine les désastreuses conséquences de ce qu’il n’a pas su faire. On aime aussi assez cette idée du sixième ciel : la déformation intellectuelle d’Eustache est de toujours se garder un ciel de réserve, d’en somme n’être jamais entièrement à ce qu’il ressent. D’où sa culpabilité, son encombrant désir de bien faire, son peu de prise aussi. Alors on peu, certes, interroger la gratuité de l’ensemble, sa capacité à saisir un bonheur fragile, cette apparence de détachement sociale dont, avec un très joli sens du dénouement en suspension dans l’air, L.P Hartley nous suggère les fâcheuses conséquences à venir.


Un grand merci à la Table Ronde pour l’envoi de ce roman.

Le sixième ciel, Eustache et Hilda 2 (trad : Lisa Rosenbaum, 295 pages, 14 euros)

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