La maison du commandant Valerio Varesi

De l’immuable à la précarité ; dans le brouillard le temps qui passe, charrie tel un fleuve en cru, les souvenirs et leurs arrangements. Plus mélancolique que jamais, même sa nostalgie est désabusée, l’inspecteur Soneri poursuit sa quête morale d’une vérité, son interrogation en de beaux dialogues d’une justice face à la corruption de son pays. Avec La maison du commandant, Valerio Varesi signe un beau polar sur nos inquiétudes face aux dérives de notre temps.

Après Les mains vides, Or, encens et poussière, je reviens avec plaisir aux enquêtes de Valerio Varesi. Sans pourtant parvenir à parfaitement saisir ce qui retient ma totale adhésion à ses polars solides, profondément moralistes. Sans doute cette nostalgie encombrante, toujours figée dans un passé idéalisé qui n’est, dans les romans de Varesi, jamais véritablement fixée, datée. Beaucoup de mal, vous m’excuserez à croire à un monde d’avant avec des repères moraux, à croire qu’il existait dans ses apparences immuables, que ce regret pourrait ainsi excuser une contemplation passive, sans idéologies ni engagement, traversé un présent qui ne serait qu’un perpétuel bouleversement. Je l’avais déjà évoqué, je crois : le délai de traduction n’aide pas à rendre cette passive déploration du présent. En italien, le roman date de 2008. Le lecteur français peine donc à savoir de quand parle l’auteur, où il situe ce temps d’avant, ce prétendu moment de bascule. Pourtant, peut-être davantage que dans les autres tomes de cette série, l’auteur prend ses distances avec son personnage. Un gamin solitaire qui se fait plaisir, enfermé dans ses conceptions, dans sa quête de vérité. Il en ressort aussi, hélas, une certaine froideur. Les relations du commissaire avec Angela sonnent parfois comme une redite, un appui pour mettre à distance l’attitude du commissaire.

Des fous, des imbéciles qui se trompent de méthode. Mais c’est de plus en plus dur de ne pas admettre leur analyse.

Ceci dit, il se dégage de La maison du commandant une vraie atmosphère, celle du brouillard dans la bassa. Sur les rives du Pô en crue, un cadavre de Hongrois est retrouvé, on soupçonne un trafic d’armes. Soneri suit son instinct, s’obstine et surtout discute la moralité de ce qu’il entreprend. Valerio Varesi sait opposer les conceptions : tous ses polars peuvent se réduire à ceci. Au fond du roman policier gît cette question : existe t-il une sanction juste, celui qui punit ne fait-il pas partie du système qui force ces crimes. Soneri erre, s’inquiète de sa solitude, de l’espèce d’intransigeance morale douloureuse à laquelle elle condamne. Le commandant, dernier vestige de la Résistance, de l’engagement, meurt, personne ne s’en rend compte. Le polar se demande quelle part de la souffrance humaine il peut endosser. Bien sûr, dans une certaine élégance, charcuterie et vins fins. Milieu fermé de la bassa, toutes les émanations de la mélancolie. Au fond, l’inspecteur de police est toujours une incarnation de l’auteur, tous ses personnages sont plus au moins des doubles, des reflets chez Varesi d’une conscience tourmentée. Ici ce sera le joli personnage de Nocio, il s’isole au milieu du fleuve en cru, avec du Verdi en plein volume, complicité tacite. Une jolie promenade d’une caressante angoisse.


Un grand merci aux éditions Agullo

La maison du commandant (trad : Florence Rigollet, 307 pages, 21 euros 50)

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