Rien que du noir William McIlvanney Ian Rankin

La première enquête de Laidlaw laissée inachevée par William McIlvanney et terminée par Ian Rankin. Cette phrase devrait suffire à affrioler tous les amateurs de polars. On retrouve ici l’inspecteur philosophe, spectateur empathique de Glascow, attentif témoin de la misère et de la splendeur de tous ses habitants. Rien que le noir se demande quand un meurtre commence, comment il est bien plus que le résultat d’une guerre des gangs.

Curieux objet qu’un polar inachevé, puis terminé par un autre. Quelque chose de possible puisque le polar est aussi le lieu de l’humilité, celle du travail bien fait qui ne se glorifie pas de ses impasses. La présente édition ne marque aucunement la partie de chacun des deux auteurs. On ne parvient d’ailleurs jamais à décider quelle est la part de Rankin, quand et pourquoi on identifierait son style, le différencierait de celui de McIlvanney. Est-il d’ailleurs bien utile de rappeler au lecteur, amateur de polar ou non, quels délices sont Étranges loyautés, Les papiers de Tony Veitch et Laidlaw. Notons quand même que McIlvanney se trouve à la naissance d’un genre. D’aucun l’appelle le tartan noir. Tentons de voir, à la lecture de Rien que le noir, ce qu’il serait en dehors d’une appartenance nationale. Une certaine humilité, une tranquille efficacité qui passe par une attention aux détails, aux atmosphères, à leurs déterminations sociales donc, nées de chaque rencontre. C’est devenu une lapalissade, quasi un automatisme, mais la ville doit être personnage principale, ces strates et classes, ses quartiers et façons de penser des moteurs de l’action. La décence ordinaire pour une plongée dans les milieux populaires, dans la vie ordinaire.

Des phrases déferlaient dans sa tête. Accroche-toi comme si ta vie en dépendait. S’il vous plaît, faites que je voie le matin…

Rien que le noir reprend d’ailleurs un procédé tout simple pour présenter son personnage : Laidlaw, même encore jeune, n’est que ses gestes, sa psychologie rien que des supputations. Laidlaw est accompagné de Lilley. ce sera cet inspecteur qui définira le caractère du héros, retracera ses errances et ses libres interprétations. Une manière aussi assez habile de se planquer, de mieux comprendre ainsi les criminels qu’il poursuit, dont pour être plus exact il tente de percer les motivations. Lire du McIlvanney c’est toujours se plonger dans une éthique en pratique, une spéculation sur l’humain au-delà d’une philosophie naïve. Laidlaw a des livres sur son bureau, un Kierkegaard qui finira avec une grosse bite dessinée sur la couverture. Une façon de se planquer pour celui qui n’a jamais fini la fac et pour l’auteur de préciser sa démarche. De la pensée empathique, sans prétention, mais en quête d’exactitude. Une description assez exacte, loin de tout pittoresque ou misérabilisme, de la vie des gangs. Les liens aussi que Laidlaw va tisser avec Rhodes. L’auteur ou les auteurs, allez savoir, précisent ainsi que le crime vient de plus loin et n’a jamais les déterminismes que l’on croit. Rien que des hommes qui vivent, subissent des pressions, des rapports de dominations. Les flics ne sont pas si différents. Laidlaw est persécuté par un collègue, pire il doit accepter un repas avec Lilley, lui qui dort à l’hôtel pour ne pas quitter les rues de sa ville, arpenter comme le lieu où se tait la vérité. « Tout le monde a son importance » comme le dit si justement Laidlaw.


Merci aux éditions Rivages Noir pour l’envoi de ce roman.

Rien que le noir (trad : Fabienne Duvigneau, 286 pages, 21 euros)

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