Au temps sublime Louise-Amada D.

La perte de l’amour ; la quête du désir. Journal d’une rupture, d’une reconquête à la lumière (le ciel changeant des saisons de Montréal) de l’écriture. Louise-Amanda D. décrit les répétitions -l’autarcie, l’escalade et ses silences – du plaisir solitaire comme une forme, très crue, d’un contact à soi par-delà la perte, l’exil, dans et par l’écriture. Au temps sublime ou la quête de l’instant arrêté de l’orgasme.

La première réaction, stupide, à la lecture de ce livre serait de se demander si je n’en aurais pas suspendu la lecture s’il avait été écrit par un homme. Au masculin, le récit d’une perte amoureuse, assez ordinaire, les frénétiques branlettes qui s’ensuivent, comment dire… Le soupçon d’une différenciation au féminin se couvre alors d’un soupçon de misogynie mal déguisée. Pourtant, c’est l’une des réussites de Louise-Amanda D. : rendre le désir à son mystère, à sa fascination. Le désir comme pur objet de discours, de reconstruction mentale auquel le corps dans son entier en vient à participer, le désir comme ultime refuge de l’excès. Pourtant, Au temps sublime, comme le désir sans doute, ne va pas sans ratage, redites, soumission à des figures de langage. Disons-le ainsi, la partie qui conduit, et qui sort, du Journal de mes orgasmes paraît moins répétitive, voire lassante, que l’escalade numéraire du récit des masturbations de la narratrice. L’orgasme va par trois, cinq, de plus en plus fort, de plus en plus vide tant l’épreuve de la satisfaction reste, je crois, effarent médium de notre définitive vacuité. Animal triste post-coïtum, peut-être. On aime alors que la forme du journal puisse jouer de l’ellipse, suggérer le peu qui reste en dehors de ces moments de recueillements. Louise-Amanda D. se garde bien de suggérer la moindre culpabilité, le moindre effondrement du désir sur son insignifiance. On le comble comment, pourquoi, l’instant suivant celui de la jouissance semble se demander Au temps sublime.

Ce n’était pas de la nostalgie. C’était une sorte d’anticipation continuelle, une jouissance transparente et prolongée que le ciel prolongeait.

Habiter l’instant, totalement, solitairement, voilà ce que propose Au temps sublime. La littérature n’a sans doute rien d’autre à ouvrir. Dire alors le désir comme rétrospection et projection et les tremblements de l’instant, parfois, quand nous trouvons notre situation, l’endroit d’où sortir de nous-mêmes. La masturbation éveille des souvenirs, des cris. Insistance sur l’éjaculat, sur la quête, non sans un certain dégoût, de la matérialité, ses macula comme dirait Quignard qui en assurerait place. Un certain silence pour ce livre des lieux et des cieux. La narratrice revient (après un curieux exil, l’installation dans un ailleurs qui n’a pas lieu faute de visa sur lequel règne un grand silence) sur les lieux de ses amours. Plus rien à y reconnaître, attendre le retour des saisons pour enfin signifier l’effacement. Les retrouvailles qui signent l’éloignement. La vie dans le flottement d’une écriture précise, crue et simple comme la survenue du plaisir qu’inquiète elle guette. On aime la grande confiance d’Au temps sublime, la capacité à se laisser porter, de ce premier livre.


Un grand merci aux éditions de La Peuplade pour l’envoi de ce livre.

Au temps sublime (244 pages, 23$ 95 19 euros)

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