
Mc Coy et ses démons, les manipulations de son copain Cooper, d’un grand malade qui renseigne l’histoire de la torture et son inscription dans le contexte écossais. Les morts d’avril, simplement, se révèle un polar impeccable autant qu’implacable : sur une trame très classique (une double enquête qui très vite se trouve liée), sur une usuelle préoccupation sociale, Alan Park parvient à captiver le lecteur, l’entraîner dans la noirceur et la tension d’un Glasgow jamais reconstitué mais restitué, tel un ulcère, dans ses pubs et ses clubs de boxe, dans les interstices de la vie quotidienne que le roman parvient si bien à saisir.
Après Janvier Noir, L’enfant de février et Bobby Mars for ever, on retrouve Alan Park avec une sorte de plaisir coupable: la joie des séries. On y retrouve tous les personnages, les mêmes rôles, le lent et discret approfondissement non tant des personnages que de notre familiarité à leur façon de penser ou, plus simplement, notre connaissance de leur environnement. Glasgow 1974, la crasse et l’alcool, la débine aussi pour employer un terme un rien daté. On pressent le basculement, les personnages tentent de se maintenir en lisière de leur excès, le romancier les maintient dans l’économie de moyen d’un récit plein de péripéties, d’actions et d’horreur pour ne point dire de terreur et de pitié. L’inspecteur Mc Coy a un ulcère, il devrait arrêter de boire et de fumer. Manque de pot, une fois encore, les pubs sont les lieux privilégiés de son enquête, les endroits où l’on cause, les moments où approcher ceux qui se planquent. Un très beau passage sur les forains, leur marginalité que Mc Coy peut approcher grâce à un passé en commun. Présence insistante du traumatisme : l’inspecteur et son pote Cooper, un voyou, ont grandi en foyer, en ont connu les violences sexuelles. Ils ne s’en remettent jamais tout à fait. Un lien de soumission compliquée naît de ce souvenir commun. Pendant qu’il doit enquêter sur des dingues qui déposent des bombes dans les pubs et les of licence, Mc Coy doit aussi protéger Cooper qui se sert de lui comme d’un alibi pour buter tous ceux qui veulent prendre sa place.
Les morts d’avril se révèlent surtout assez passionnant par cette précision avec laquelle l’auteur enregistre le compliqué des rapports humains, entre soumission, désir de domination et, malgré tout, une présence au quotidien, le partage d’un vécu. C’est frustre, très masculin ; on n’en devine pas moins une sorte de tendresse. Pensons par exemple au personnage de Wattie, le partenaire flic de Mc Coy. Il vient d’avoir un gamin, traverse insomnieux son enquête et les premières responsabilités qu’on lui confie. Sans virer dans le polar de procédure, Alan Parks évite ainsi le cliché devenu encombrant du flic solitaire. Il va en faire des sacrifices Wattie. Ce sera d’ailleurs la partie la plus intrigante du roman, celle purement politique qui, une nouvelle fois, consiste surtout à préserver les intérêts de la classe dominante. Mc Coy poursuit un groupe, disons para-militaire, qui combat l’alcool (au nom d’un vieux traumatisme enfantin), son chef collectionne les horreurs, par perversion renseigne et enseigne les techniques de torture. À Glasgow, les atrocités de la colonisation irlandaise ne sont pas bien loin. Alan Parks trouve un joli dérivatif pour en parler : Mc Coy ne supporte pas la vue du sang. Dans une pièce, sans trop en dire, il sera soumis à la participation militaire aux horreurs qui ont marqué le contexte colonial. Le lecteur ne sera guère surpris d’apprendre que tout, au nom d’un intérêt supérieur, sera effacé. Mc Coy lui en garde mémoire ; Alan Parks lui en témoigne. On laisse au lecteur le plaisir de découvrir comment des unités parallèles, légalement inexistantes, se sont chargés d’envenimer le conflit par des exécutions sommaires. Un petit mot quand même sur une autre étrange filiation, un peu moins convaincante à mon sens. Mc Coy est chargé par un père, amiral et américain, de rechercher son fils, disparu de sa base militaire et maritime. Tous deux partagent un refoulement dont la transmission m’a paru un rien excessive. Parlons plutôt de la manière dont le récit se révèle très joliment rythmé avec toujours cette belle accélération du dénouement que sait mettre en place Alan Parks. Encore un très bon polar d’une série qui ne s’essouffle pas.
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Merci aux éditions Rivages Noir pour l’envoi de ce roman.Les morts d’avril (trad : Olivier Deparis, 445 pages, 23 euros 50)
tentant, je note. merci
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