Je tremble, ô matador Pedro Lemebel

La dictature de Pinochet à travers une folle sentimentalité, l’extrême théâtralisation des sentiments, des chansons populaires qui en laissent résonner l’immuable, mais aussi les rêves du dictateur, les pépiements de sa femme. Par ce roman queer, à l’écriture inventive, toute de décalage, Pedro Lemebel ne décrit pas seulement les souffrances, les maltraitances, de la Folle du Front mais fait entendre le basculement de tout un pays, faire comprendre comment il s’organise et tendre tout son récit autour de l’organisation d’un attentat. Je tremble,ô matador : belle histoire d’amour, de manipulation, de résistance.

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Ces gens-là Chico Buarque

Les dédoublements délirants de la fiction. À travers les affres drôlatiques de la création, dans ses arrangements éditoriaux, corrections et coups, l’invention d’une extériorité toute politique, d’un point de vue très politique, et ironique, sur le règne de Jair Bolsonaro. Chico Buarque, derrière un roman épistolaire qui peu à peu perd pied, laisse libre cours à la fantaisie, à l’effacement des frontières entre imaginaire et réalité jusqu’à l’enfermement. Avec cette discrétion de l’humour véritablement âpre, Ces gens-là fait le portrait d’un homme pour laisser deviner un pays, un instant historique dans lequel sans doute, hélas, nous devons nous reconnaître.

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Un long silence interrompu par le cri d’un griffon Pierre Senges

Les simulacres du silence. Vie inventée d’un bavard impénitent au début du siècle, puis dans les années vingt soviétique, qui se réfugie dans la clandestinité, l’approximation, la ressemblance décidée qui alors régnait, et écrit, selon la légende, son encyclopédie du silence dont le livre nous fait entendre d’ironiques et drôlatiques fragments. Pierre Senges travaille ainsi la fiction comme métaphore, tromperie, décalage, délirantes interprétations, enthousiastes duplicité, comique dissimulation — désir de sens, malgré tout. Un long silence interrompu par le cri d’un griffon, loin de la reconstitution, dans son apparat de mystère et de duplicité, propose une vraie spéculation sur le silence, sa mystique, sa suspension de sens, ses censures comme façon, peut-être, d’en préserver l’insaisissable vérité.

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La vengeance de Fanny Yaniv Iczkovits

Les liens du récit, la possibilité, ou non, de se soustraire à sa communauté, de s’en inventer une autre, de comprendre celui que l’on déteste, que l’on poursuit en entendant son histoire, sa version arrangée des faits. Très joli roman d’aventure, plein de récits enchâssés, de personnages vivants, souffrants, dérisoires et magnifiques, La vengeance de Fanny plonge le lecteur dans une communauté juive de la Polésie du XIXe siècle. Pour une histoire d’abandon du domicile et de la famille, Fanny s’en va rechercher son beau-frère, non sans, au passage, exercé son talent de bouchère rituelle, subir les foudres de la police secrète, croiser un chanteur que l’on paye pour qu’il se taise, des anciens militaires enrôlés de force dont un deviendra, par ses mots, une salvatrice légende. Yaniv Iczkovits s’interroge avec une grande finesse, un grand sens du rythme et du suspens, sur la traduction des idéaux, sur l’ordinaire décence de toute vie quotidienne, sur ses oppressions, mais aussi, pour la communauté juive de toujours composer avec ce qui arrive.

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Autobiographie d’un lecteur argentin Daniel Link

Théorie de la lecture, humble exercice de reconnaissance à tous ceux qui nous apprennent à lire, à déchiffrer le monde, le Texte et sa jouissance, le sens et sa politique. Entre essai et autobiographie, exégèse et plaidoyer pour la déconstruction, le suspens d’un sens encore et toujours à lire, Daniel Link retrace son parcours intellectuel, celui de toute une époque, tant la lecture n’est jamais expérience singulière, et de toutes les rencontres qui l’ont forgé. Avec un grand, limpide, souci pédagogique, Autobiographie d’un lecteur argentin éclaire la créolisation des théories successives dont l’auteur se réclame. Une ode sensible à la permanence de l’interprétation, aux difficultés de son enseignement aussi.

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