Atlantique nord Romane Bladou

Notre maison atlantique à travers la perception, les mots dont les recouvrir, de quatre personnages esseulés à ses abords. Roman délicat sur nos liens, les silences qui les alimentent, les flottements et les incertitudes qui nous relient, les poissons aussi qui hantent cette surface maritime à l’obsédante présence. Au sein des interstices, des instants sceptiques, Romane Bladou déploie un joli quatuor de portraits de personnages qui habitent, et interrogent, leur proximité à la mer, à la vie. Atlantique-nord navigue dans une acidulée mélancolie, ce flottement où nous percevons.

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Voir Montauk Sophie Dora Swan

La maladie psychiatrique par les proches qui la subissent, tentent de l’accompagner, de faire avec le désir de mort, de lui trouver une issue. Dans de très jolis poèmes, dans leur capacité à intégrer la langue administrative, psychiatrique comme le ferment premier de l’angoisse d’une fille pour la souffrance de sa mère, dans le projet lancinant d’un voyage ensemble, d’un retour à la mer, Voir Montauk met à nu l’impuissance, l’isolement, la ténacité malgré tout de l’espoir ; la vie. Sophie Dora Swan signe un livre tout de délicatesse, retenue et précision, un récit poétique sur cette angoisse que nous avons en commun, sur les façons de radicalement la partager, la penser.

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Hotline Dimitri Nasrallah

L’écoute des fantômes, d’un mari disparu ou, en exil, de ceux qui veulent maigrir. Récit de la vie d’une femme au Québec, de sa capacité d’écoute pour faire taire ses souffrances, joli portrait de la condition d’exilé à travers son emploi de la langue, sa soumission aux obligés d’une scolarité pesamment citoyenne. Le Québec en 1986-1987. Dimitri Nasrallah signe un portrait émouvant d’une mère, du soutien qu’elle trouve dans l’adversité, sa place aussi hélas dans un capitalisme sauvage jamais remis en question. Hotline allie heureusement un récit de fantômes à ce roman réaliste et parvient à dire la perte, le souvenir entretenu dans son oblitération.

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Anna Thalberg Eduardo Sangarcía

Procès collectif en sorcellerie, implacable mécanique où affleure la folie d’une époque. Par de jolis dispositifs narratifs et typographiques, Eduardo Sangarcía plonge le lecteur dans les prémisses des procès de Wurtzbourg, meurtres de masse au nom d’une religion hystérique, ayant fort bien compris les intérêts du temps. Dans une suite de consciences qui se heurtent, s’affrontent aussi dans des dialogues dont l’auteur restitue les sous-entendues, Anna Thalberg fait entendre la matérialité d’une époque, ses jeux de pouvoir et de domination, sa peur panique de l’hérésie, les horribles moyens dont elle extorquait des aveux, croyant ainsi trouver un bouc-émissaire dans cette héroïne qui admirablement jamais ne s’y résout.

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On a tout l’automne Juliana Léveillé-Trudel

Retour à Salluit, dans le Nord Arctique, dans l’approche, patiente et poétique de sa langue, de sa jeunesse, oscillant entre désœuvrement et souffrance, et des propres révélations sur soi ainsi révélées. Évocation discrète d’une société en train de se dissoudre, d’une langue dont il ne reste que des mots éparpillés entre le français et l’anglais, portrait sensible d’une jeunesse qui tente d’y subsister, des souvenirs qui reviennent, des absences ainsi pointées. On a tout l’automne se plonge, dans une langue parfois un rien trop transparente, à mon goût, dans cette tentative de sauvegarder une bribe, de comprendre une communauté en touchant, en traduisant, sa poésie. Juliana Léveillé-Trudel écrit cette lente quête, cette lente distinction du son et du sens, des gestes et autres rituels, de la tenace fragilité de l’existence quotidienne des inuits.

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