L’impératrice de Pierre Kristina Sabaliauskaité

Les vies de Catherine avant son accession au rang de tsarine, au moment de mourir elle se souvient de ce qu’elle a perdu, de ses amours, de ses manières de survivre, de se faire aimer, d’assister à la violence guerrière des hommes, à celle de Pierre le grand, à son ivrognerie, son épilepsie, sa brutalité qui s’entremêle d’un désir de progrès. Dans une ample fresque historique, dans la reconstitution d’une atmosphère violente, sa survie à tout prix, dans une attention particulière prêtée à la langue, aux identités, à la construction du roman national (plus lituanien que russe), Kristina Sabaliauskaité retrace l’itinéraire d’une femme qui tente de traverser ses souffrances. Le premier volume de L’impératrice de Pierre entraîne le lecteur dans cette époque de tourment, dans l’accession de la Russie au rang de puissance mondiale partagée entre Orient et Occident.

Lire la suite « L’impératrice de Pierre Kristina Sabaliauskaité »

Mes désirs futiles Bernardo Zannoni

La lecture comme conscience du temps ; l’écriture comme lutte, futile, contre la mort. Dans cette fable animalière, derrière la cruauté de son univers enchanté, l’histoire d’une fouine boiteuse qui, chez un rusé renard prêteur sur gage, se pose avec insistance la question, assez contemporaine, de l’âme animale, de ce que peut nous apporter la connaissance et sa transmission. Dans un récit malin, enjoué et sombre, Mes désirs futiles ne se contente pas d’anthropomorphiser ses animaux, de tendre un miroir à ce que nous sommes, mais plutôt aux questions que l’on se pose. Pour son premier roman, Bernardo Zannoni trouve la simplicité du plaisir du récit.

Lire la suite « Mes désirs futiles Bernardo Zannoni »

Un fils comme un autre Eduardo Halfon

Souvenirs d’enfance d’une rieuse gravité ; invention légère de soi en lecteur, en écrivain, en père. Lente construction de soi dans l’exil, le retour et surtout dans une délicate mise en fiction, un art certain de la chute pour ses dix-huit nouvelles. Eduardo Halfon y poursuit son émouvante entreprise autobiographique, la mise en mots de souvenirs si invraisemblablement véridiques qu’ils semblent romanesques. Belle réflexion sur la lecture, les choix qui nous constituent, Un fils comme un autre se révèle un joyeux — au-delà de l’angoisse, du poids de l’Histoire et de ses horreurs — exercice de transmission.

Lire la suite « Un fils comme un autre Eduardo Halfon »

Point de fuite Elizabeth Brundage

Instantanés d’un effondrement autour d’une réflexion sur la photographie, sur les pertes qu’elle fait remonter, le désir qu’elle capture, les reconstructions qu’elle permet. Par une maligne alternance de points de vue qui ouvre ainsi aux dissimulations, aux mensonges et autres crasses, par la finesse un rien acerbe avec laquelle chaque personne est saisi dans ses défaillances, dans leurs expressions artistiques qui bien sûr peinent à les sublimer, Points de fuite offre d’abord une image de ce qui pourrait paraître la contemporaine déréliction américaine. Néanmoins, Elizabeth Brundage montre la complexité (on voit aussi dans l’ordre du monde un miroir à nos pauvres états d’âmes) de ce qui n’est qu’instant de bascule tentative de continue au-delà d’un meurtre et d’une addiction.

Lire la suite « Point de fuite Elizabeth Brundage »

Les St. CharlesMolly Keane

Ce qui reste des grands récits de famille, l’effondrement de l’illusion, la fiction comme version arrangeante de nos souvenirs, manière de créer une proximité sans suite. Aroon tient la mémoire de sa famille, l’écrit sous le paravent du bon comportement, c’est le titre en version originale, qu’elle prétend avoir dans ce naufrage ambiant, ordinaire, décrit par Molly Keane entre apprêté et émotion et surtout dans sa grande habilité à suggérer les non-dits. Les St Charles, au-delà de son charme suranné est un joli roman sur nos tenaces illusions.

Lire la suite « Les St. CharlesMolly Keane »