Manhattan Transfert John Dos Passos

Solitudes new-yorkaises qui s’entrechoquent, se croisent et se déchirent, se reflètent dans les mirages du succès, l’âpre survie au jour le jour. Roman lyrique de la modernité, de son désenchantement, Pour restituer ses errances, cette policée indifférence à autrui, cette mécanique tant intime que collective, John Dos Passos suit une multitude de silhouettes, de destins douloureux aux traitements souvent abrupt, vertigineux dans la nouveauté d’un traitement expérimental. Manhattan Transfer admirablement, un rien froidement parfois, restitue la saveur d’une époque dans sa course à l’effondrement, dans son arrière-texte biblique, mais aussi dans son espoir communiste.

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Immobilité Brian Evenson

Vision d’outre-tombe de la survie, de ses dédoublements et autres manipulations, dans un outre-monde. Dans une grande proximité à L’antre, nous retrouvons ce monde dévasté où une humanité dépassée, inquiète sur les noms qu’elle pourrait se donner, sur la réalité dont elle pourrait se doter, tente malgré tout de survivre, interroge sur ce qui persiste en nous à construire une communauté. Toujours dans cette mémoire déréglée, altérée par la catastrophe, entre rêve et réalité manipulée, perception solitaire, Brian Evenson poursuit notre interrogation sur la mutation de la notion d’humanité, son désir destructeur de nommer et de posséder les choses. Immobilité place retour et répétition, raison d’être, comme une tenace spéculation sur les raisons de notre survie commune, destructrice.

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Tropique du Cancer Henry Miller

L’Absolu sur le trimard, son vide dans le plumard, le cancer d’une société capitaliste dans l’errance dans ses rues et bordels. Modèle, souvent imité rarement égalée, de l’autobiographie romanesque exaltée, excessive, enthousiaste, lyrique, Tropique du Cancer raconte les années d’errances parisiennes d’Henry Miller, l’inquiète liberté de sa pauvreté, la beauté de sa révolte aussi contre toutes les acceptations, son rapport également — aujourd’hui sans doute problématique — aux femmes et aux prostituées. Un grand roman, précisément dans ses imperfections.

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Les raisins de la colère John Steinbeck

L’expropriation pour la prétendue modernisation agraire, la misère entretenue pour le profit de quelques uns, les formes de solidarité qui tentent de subsister dans la famille, derrière une réivention maligne, sceptique, de la persistance du religieux dans une communauté paumée. Une colère vraie envahie se dégage de cet ample roman qui parvient à mêler le récit de la traversée des États-Unis par la famille Joad, ses désillusions et espoirs, et de beaux chapitres qui inscrivent cette histoire dans un contexte, dans une politique sciemment orchestrée. Cette nouvelle traduction des Raisins de la colère, discrète, susceptible d’en faire entendre le souffle, permet une redécouverte de ce grand roman américain et la minutie, et l’empathie, avec laquelle il décrit notre capitalisme contemporain, les crises qui le gouvernent et expliquent son exploitation généralisée. Entre naturalisme quasi documentaire, courroux, passionnant discours métaphysique et politique, John Steinbeck raconte la fondation, bien cradingue, d’un État, son racisme et la peur de l’autre qui le fonde.

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Un bref instant de splendeur Ocean Vuong

Le corps du désir, de l’absence ; les mots du désir et de l’exil. Lettre à la mère, hommage à son corps souffrant, à celle qu’elle inflige, récit d’une arrivée aux États-Unis, invention d’un écrivain qui tente, au-delà des excuses et par la fiction, la poésie qu’elle recèle, de s’approprier sa langue et dire ainsi la découverte de son homosexualité, le désir et sa perte à travers un portrait sensible de l’Amérique paumée, droguée. Dans une très jolie prose, souvent inventive, apte à inventer motifs et images pour rendre l’obsession, Ocean Vuong signe un premier roman d’une grande finesse dans sa réflexion pratique sur le langage. Un bref instant de splendeur ou la beauté, le désir, la lumière malgré l’horreur.

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