Les béquilles Patrice Pluyette

Un livre minuscule sur l’infra-ordinaire, une fracture du petit doigt de pied, d’où se dégage un charme discret et tenace. Comme un temps arrêté, une bulle d’un solitaire enfermement, Les béquilles s’arrête sur le quotidien, insignifiant, fascinant, d’un cascadeur qui se blesse, réapprend à marcher, à être regardé. Patrice Pluyette signe un conte lumineux, fugace.

C’est un livre minuscule, fragile : il serait si facile de passer à côté. Après les très grands textes publiés par la récente collection de poche des éditions Maurice Nadeau (pensons particulièrement à Autour d’un effort de mémoire de Denys Mascolo ou à Lunar Caustic de Malcom Lowry) avouons avoir été un peu désappointé. Naïvement, nous nous attendions à un livre de plus d’envergure, nous attendions même un basculement vers une portée sociale, universelle. Rien de tout cela dans Les béquilles, pas ou peu de commentaire. Juste l’histoire d’une solitude, d’une certaine peur, de chutes que l’on fait pour ne pas envisager, qui sait, la sienne propre. Patrice Pluyette parvient pourtant à instaurer une atmosphère, une parenthèse. Une certaine légèreté rieuse dans le style, une suspension rêveuse, tendre même. Avouons tout de même un certain doute : aujourd’hui on pourrait qualifier ce roman de validiste, je crois. Un peu de mal à comprendre le bienfait d’avoir à se servir de béquilles, à en faire une distraction. Une pensée pour celles et ceux qui ne peuvent pas faire autrement, qui au quotidien n’y voient rien d’une expérience décisive. Ne nous laissons pourtant pas prendre au jugement de valeur. Très subtilement, le romancier prend ses délicates distances avec son narrateur. Le confort de ce monde rêveur tient d’une très grande solitude. Une vie bien vide, au final. Là encore, Patrice Pluyette se garde bien de la juger. « La vie apparut bientôt dans toute sa douceur. » Une amie peintre, Becky vient s’installer chez lui. Au passage, jamais comme un commentaire, l’auteur glisse une fine réflexion sur la peinture, sur les paysages mentaux qu’elle cherche à représenter dans un journalier combat de boxe. Atteindre à la simplicité, pour un romancier, pour n’importe qui peut-être, se révèle très ardu. Les béquilles se fait roman d’apprentissage en mineur. Le narrateur apprend à connaître ses sentiments, toujours dans ce flottement assez irréel qui fait le charme du roman. Des vies ordinaires aux basculements imperceptibles. Cette fracture vient révéler les manques, un besoin d’attention, d’amour aussi. Nous ne voudrions pas trop en révéler, juste dire que l’on entend dans Les béquilles une voix, une tendresse vraie dans cette façon de voir le monde.


Merci aux éditions Maurice Nadeau pour l’envoi de ce livre.

Les béquilles (99 pages, 9 euros 90)

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