Le pair Catherine Litique

Le souvenir obsédant, coupable, de la perte de son jumeau, de son enfance, ses ruisseaux et forêts, la mémoire aussi de ce camp de concentration français, la vie aussi qui en découle en ses silences et incompréhensions. Dans ce court roman, saturé de sensations, d’évocations amoureuses de ce qui ne revient pas, Catherine Litique laisse défiler toute une vie, trouve une prose, délicate et précise, pour en dire aspérités et manquements. Jouant sur l’intenable promesse de tout se dire, Le pair interroge assez finement ce qui anime nos réminiscences.


Lire la suite « Le pair Catherine Litique »

Nos âmes seules Luc Blanvillain

Espiègle comédie sur les infernales dissimulations salariales, leurs luttes de pouvoir aussi absurdes, insignifiantes que douloureuses au sens où elles révèlent de soudain instants de bascule, de conscience de notre esseulement dans ce que nous croyons être. Parodie précise, mais toujours discrètement fantaisiste, de cette bulle spéculative, de cette illusion mercantile des entreprises d’informatiques et dont la manière dont le héros vendra son âme pour le néant qui s’y monnaie. Nos âmes seules traque les déraillements où persiste notre normalité, l’épaisseur de leur agencement comme on s’ouvre à la complexité, à son sordide, de la réalité. Dans un style tout à sa fausse légèreté, toujours un pas à côté de sa description réaliste, Luc Blanvillain entraîne son lecteur dans ce roman qui dit, heureusement, plus que notre contemporain.

Lire la suite « Nos âmes seules Luc Blanvillain »

Charrue tordue Itamar Vieira Junior

La langue coupée des sans-terre devient dans ce roman celle de la mémoire et de la lutte, de l’émancipation et des vestiges de magie de ces descendants d’esclaves qui peu à peu prennent conscience de leur radicale aliénation. Deux sœurs découvrent le couteau de leur grand-mère, pour comprendre sa présence, l’une goûte la lame, se tranche la langue. À travers de cette figure du témoin muet, de la sororité de pouvoir sentir comme elle, des éloignements et déchirures qui ne tarderont pas à naître de cette proximité, Itama Vieira Junior parvient à restituer le dénuement de monde en train de disparaître. Charrue tordue parvient à dire les solidarités, les démons aussi, de cette société traditionnelle et de sa conquête d’une langue, coupée ou fantomale, pour transmettre la mémoire de ses luttes et de ses espoirs.

Lire la suite « Charrue tordue Itamar Vieira Junior »

Fréquences Mulholland Sandra Moussempès

Fantomales figurations des spectres qui hantent Mulholand drive, le film David Lynch, spéculation poétique, en hantise, des représentations — féminines et à l’infini dédoublées — qui en reviennent, variations sur les technologies de captations — à inventer, à détourner — qui en reflètent, en inventent et déploient un imaginaire, les fugaces (difficiles à saisir, souvent plus encore à comprendre) représentations. Dans ce recueil, très fréquemment déroutant, Sandra Moussempès dessine une rêverie quasi médiumnique sur l’avers des images, leur revenance, leurs lieux et silences. Pour autant que nous puissions en rendre compte, sans réduire à une logique rationnelle cette suite de poème, d’associations visuelles et sonores, Fréquence Mulholland écouteles latences et autres hantises qui se dessinent et s’esquivent dans ce film, dans l’imaginaire collectif ainsi dévoilé.

Lire la suite « Fréquences Mulholland Sandra Moussempès »

L’horizon de l’instant Pierre Cendors

Immensité de l’instant, cheminement vers son dénuement, sa solitude, mais surtout son débord du dehors, des forces telluriques, tempétueuses, du vent et de sa vacuité. Pierre Cendors, admirablement, poursuit son errance, son superbe travail sur la langue pour ici incarner l’instant, ce moment à côté de Soi, de son identité sociale, de son langage, soudain on existe, on entend l’enfance et le silence du monde. Encadré des magnifiques toiles de Claire Chesnier (elles font si bien entendre les lisières où se situe la prose, la parole découpée, qui habilement survient de la page blanche, de l’auteur), L’horizon de l’instant est une ode à l’exténuement, à « l’outrepas immobile. »

Lire la suite « L’horizon de l’instant Pierre Cendors »