Mykonos Olga Duhamel-Noyer

Estivales et insulaires ivresses frelatées d’un tourisme de masse dont, pourtant, on entend l’abandon, le désir et une paradoxale légèreté derrière une sourde, maladroite puis meurtrière, inquiétude juvénile. Entièrement à son récit, à hauteur de ses personnages et de leurs ordinaires égarement, Olga Duhamel-Noyer raconte simplement les vacances de quatre garçons sur une île grecques, la fête omniprésente et d’autres choses qu’elle dénonce jusqu’à meurtrière chute. Mykonos ou les incandescentes brûlures de l’été, de cet horrible ailleurs vendu aujourd’hui.

On entame Mykonos par l’enfer du décor, le piège d’un lieu colonisé par un tourisme festif d’une indifférence extrême. Mykonos est devenu un non-lieu, une discothèque à ciel ouvert, l’horreur. On le sait, d’ailleurs la langue nous le rappelle, comme bien souvent, dans ses dénominations : pour ne surtout pas entraver la compréhension, la mercantile communication des noctambules qui en foule y débarquent la ville a été rebaptisé Mykonos Town. Dans les premières pages de ce bref roman, il faut bien avouer que l’on se demande pourquoi l’on s’inflige cela. Doucement, dans cette narration toujours au présent, presque sans distance, l’éblouissement se produit. Quatre amis viennent s’égarer ici, sans raison rien que le soleil, la jeunesse. Sans jugement ni moquerie. Juste comprendre ce besoin d’égarement, cet effleurement de ce qui manque, ce ferment romanesque essentiel. Derrière la saleté, la pollution pas seulement visuel, la drague dégueulasse, la sexualité à l’arrache, Olga Duhamel-Noyer nous suggère tous les échappements auxquels vont donner lieu ces si ordinaires impasses. Elles semblent surtout ressenties, incarnées tout au moins par Pavel. Il part nager, parler avec des locaux, subir aussi une séduction qui, gay, le met mal à l’aise. Pas des lumières, pourtant on s’attache à ces personnages. C’est le miracle, solaire allait-on écrire, de Mykonos, dans sa précision, dans le poisseux des enchantements qu’il nous conte, le roman happe. La fête on le sait, on y a un peu trop joué, est danse macabre, une sorte de fascination, de passivité aussi pour ce qui devrait inspirer le dégoût. La petite bande tente de s’inventer des chemins de traverses, ils se plaisent à être reconnus pour un tenancier de bar. Dans un frémissement s’installe la tragédie. La douceur aussi dans l’enchaînement de l’ivresse, dans les expéditions de Pavel. C’est vivant et assez noir, on retrouve le charme d’un été qu’Adrien Girault avait si bien réussi à nous dire dans Justin Coudure. Nous n’en dirons pas plus sur la catastrophe finale qui lentement se met en place, seulement que la manière dont Olga Duhamel-Noyer reste totalement, sans distance, avec ces personnages fait merveille. La bêtise la plus pure, cette sorte d’entêtement de l’ivresse avec la lâcheté de sa fuite sans doute représente cette croyance du tourisme de masse : une fuite momentanée et inconséquente. Fort heureusement l’autrice se garde bien de conclusions aussi définitives.


Un grand merci aux éditions Héliotrope.

Mykonos (115 pages, 19 $ 95, 17 euros)

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