Amerika Franz Kafka


Roman de la disparition au sein du rêve américain, d’une errance burlesque dans sa cauchemardesque étrangeté, dans l’isolement d’une perpétuelle ambition, qui se réduit à un simple désir de survie, où s’entend notre perpétuel sentiment d’être déplacé, comme à l’écart de cet univers dont Karl Rossman, ballotté et incertain de lui-même, hautain et maladroit, donne, dans ses exagérations même, une saisissante vision. Dans son aspect plus social, dans sa discrète critique des dominations politiques, Amerika semble détonner avec les obsessions que l’on prête à Franz Kafka. Pourtant, dans ce roman d’aventure, dans sa fragmentation d’une initiation qui jamais ne survient, se trouve comme dénié, on reste frappé par la précision de l’écriture de Kafka, par sa manière de donner à voir la brutale, pulsionnelle, étrangeté de l’ordinaire.

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À l’ombre de la mort Rūdolfs Blaumanis


La misère et la mort, un sombre réalisme, social et elliptique, dans ce bref récit d’une dramatique, universelle, dérive vers la fin. Dans la dramatique exacerbation, toutes les tensions, les secours aussi, qui entre les hommes subsistent soudain se révèlent, montrent la fragilité de nos héroïsmes face à cette insurpassable adversité que de dériver sur un morceau de glacier, d’errer, de nuit, dans son inexorable fonte. Immense classique de la littérature lettone, publié pour la première fois en 1899, À l’ombre de la mort offre une frappante, par le réalisme de sa discrète inscription sociale, vision de notre condition humaine. D’une grande sécheresse évocatrice, la prose de Rūdolfs Blaumanis séduit par son grand pouvoir de suggestion, dans la portée concrète et métaphysique qu’elle donne à ce drame.

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Noces de givre Raymond Penblanc


L’amour en sa sauvagerie adolescente, ses fugues, découvertes, effleurement et, derrière une écriture somptueuse et sonore, l’appel de la peinture, les toiles de Caravage comme arrière-plan, dépassement descriptif des liens entre la narratrice et sa grand-mère, les non-dits et refus ainsi dévoilés. Noces de givre captive par son jeu sur les rythmes, le halètement de ses phrases, le syncopé de la finesse psychologique qui se déploie dans ce récit initiatique, cet effleurement amoureux et sensuel où la peinture toujours accompagne cette découverte des béances du Soi et de ses contre-jours. Par ce nouveau roman, Raymond Penblanc laisse éprouver la puissance évocatrice de sa prose, la déchirante beauté de son récit où le tragique accompagne ces fugitives amours.

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Sur le miroir fêlé de notre monde Colin Fraigneau


Récit pluriel de voyage dans les ex-républiques d’URSS, touristique, malgré tout, excursion dans une curieuse fascination pour ces confins, ces pays lisière où l’on entend les fantômes de la grandeur, le sentiment d’abandon voire un rien de nostalgie de cette emprise dictatorial. On y lit aussi, hélas à mon sens, un nomadisme mondialisé, l’omniprésence du désir et des coucheries de cette jeunesse en quête d’elle-même. Pourtant, par ses narrateurs changeants, par son point de vue ainsi critique sur ce qui est raconté, Sur le miroir fêlé de notre monde offre, outre une description précise et sensible du Kirghizstan, de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan, du Turkménistan, de la Géorgie, de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Lituanie, de la Lettonie, de l’Estonie, de la Lituanie, de la Moldavie et bien sûr de la Russie, de belles réflexions sur les contre-modèles que doivent continuer à inventer les voyages. Colin Fraigneau en livre un récit qui habilement, trop parfois, met à nu quelques-uns des ressorts de notre désir d’ailleurs.

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Comptine pour la dissolution du monde Brian Evenson


Schizophréniques récits où solitudes, dédoublements, altérations aussi des perceptions ordinaires, se chargent de dire cette fondamentale dissolution que serait notre réalité, cette inquiète folie qui nous permet d’appréhender le monde. Nouvelles qui oscillent entre le fantastique et la science-fiction pour mieux interroger les différents visages que peuvent prendre ce que l’on prend pour notre identité, voire ce que l’on invente comme notre intériorité et qui donnera, dans Comptine pour la dissolution du monde, lieu à d’inquiétantes pénétrations de consciences autres, à cette possibilité explorée dans presque chaque nouvelle qu’autre chose, pas seulement nos pires pulsions ou nos craintifs cauchemars, ne cesse de se développer en lisière de nos existences. Jouant avec une grande aisance, parfois même avec un méchant humour, de la forme brève, Brian Evenson poursuit son exploration des limites, par dissolution et apocalyptique isolement, de notre humanité.

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