La bellarosa connection Saul Bellow

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La bellarosa connection est un petit roman de Saul Bellow. Dans un récit dense et maîtrisé, il interroge la mémoire et la perte.

Court roman du maître américain dont l’ambition est d’emblée affichée. Le narrateur éminent et émérite spécialiste de la mémoire veut reconstituer les seuls faits intéressants : les sentiments et les désirs. Une volonté partagée avec Tristesse de la terre. Mais Bellow est avant tout un romancier, il réfléchit, comme le disait Ôé en inventant des scènes.

Mais passons : il s’agit là que de considérations techniques sur la différence entre le souvenir littéraire et le souvenir affectif.

 Pourtant, la mémoire qui ne saurait s’effacer, l’accumulation de savoirs superficiels sur le monde et de connaissances vaines sur autrui semble une belle définition de la pratique romanesque. Bellow incarne alors un des problèmes essentielles de la mémoire : comment survivre au jour d’après ? Une question déjà envisager pour la bataille d’Eylau par Kauffmann dans Outre-terre.

Le roman s’ouvre sur le récit  de Fonstein le rescapé. Le narrateur , en dilettante, entretient un institut de la mémoire. Des bulles dans le cerveau comme il se décrit lui-même. Nous n’en saurons pas beaucoup plus.  Ce qui pourrait être un pesant dispositif acquière ici toute sa valeur romanesque : le père a survécu à la catastrophe européenne par son don des langues. Interprète pour Musolini puis, en une unique occasion pour Hitler. Toute la grinçante ironie de Below est dans ce type de faits.

Cette mémoire n’est pas une pétition de principe. Below sait dessiner une multitude de personnages crédibles et bien campés. Billy Rose, celui qui a sauvé Harry Fonstein, est un de ces personnages grandioses qu’affectionne le romancier. Il véhicule toujours l’enthousiasme et la démesure. Jamais rien de déprimant chez Below comme on le trouvait, par exemple, dans Mailman. Billy Rose a plusieurs vies et reste en cela magnifiquement insaisissable, mirifique menteur comme devrait l’être tous les personnages.

Les romans de Bellow sont empli de mafieux aux enthousiasmes enfantins. Le réseau que dirige Billy Rose a sauvé Fonstein sur un coup de tête, une passion hasardeuse qui finit par révéler son identité profonde. Une partie de la mémoire mise ici à la retraite est celle de l’identité juive et sur son impossible remémoration. Des préoccupations dont s’éloigne le narrateur et qui sont alors rendu avec une belle acuité. L’horreur des camps rendu comme un point aveugle.

La bellarosa connection reste une œuvre mineure. Néanmoins, cette histoire d’un sauveur qui refuse les remerciements, cette famille qui la poursuit porte dans cette lecture profonde et agréable.

Une certaine désinvolture dans le traitement du récit. Mais la façon dont, trois ans après sa disparition le narrateur relit les passages soulignés par sa femme, ouvre sur une quête de ses personnages, de ce Fonstein une fois seulement perdu de vue. Composer avec le trop tard. Plus personne avec qui parler de la mémoire, de sa possibilité de survivre non pas à l’Europe mais aux États-Unis. Et toujours chez Bellow, perdu dans le monologue intérieur de son personnage, de beaux aphorismes.

Votre histoire devient une question de choix. Avoir une histoire ou non est une option à débattre entre soi et soi.

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