La fuite en héritage Paula McGrath

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Trois fuites, trois femmes pour une image, pleine de contrastes et de violence, du rapport à la mère. La fuite en héritage mélange, avec un joli sens du rythme et de la brisure, trois récits et trois lieux pour réfléchir à la criminalisation de l’avortement. Par sa prose enlevée, Paula McGrath parvient à incarner chacune de ses trois femmes dont souffrances et fuites sont rendues, intactes, sans pathos mais avec une vraie émotion.

En version lapidaire : La fuite en héritage est un de ces romans dont on ressort, après une lecture des plus plaisantes, sans bien savoir que penser. Cette absence de commentaire ou de conscience surplombante nous indiquant – le plus souvent – nos indignations fait d’ailleurs la valeur de ce livre. Ou, plus simplement, Paula McGrath mène une belle intrigue en déjouant, presque constamment, les attentes de son lecteur. Ainsi, le thème de l’avortement, annoncé en quatrième de couverture, est évoqué en ouverture puis semble s’absenter tel un fantôme obsédant. Jamais trop tard pour témoigner des atrocités irlandaises sur l’interdiction de l’avortement et des adoptions forcées ayant alors lieu. On pourrait croire le motif entendu ou peu s’en faut. La fuite en héritage parvient à lui donner visage, saveur et senteur. La fuite a des tournures différentes. La rage de Jasmine, les dénis d’Allison ont, si j’ose dire, une matrice unique. Paula McGrath sait saisir la vérité de cette souffrance latente et porte toute sa sympathie, jamais alourdie tant son récit est découpé en sèches séquences, sur chacun des mauvais choix de ses héroïnes. Le lecteur parvient à les comprendre, jamais à les prévoir. On peut, certes, regretter l’explication un rien mécanique offerte par le dénouement.

J’en sens encore l’odeur aujourd’hui : c’est comme ça qu’on sait que ça n’est pas inventé, parce qu’il y a des moments où l’on se dit que ce n’est pas possible autrement.

Au quotidien, la fuite (dans le sport, par une fugue violée en moto, ou dans un alcool sans échappatoire pour une dépression adultérine) dénonce alors de quelle manière l’absence d’issu se conjugue  avec plus d’aisance au féminin. La fuite en héritage échappe heureusement, en basculant dans un autre récit avant de trop en dire, à une réduction sociologique. Notons pourtant avec quelle lapidaire précision le roman donne à voir les marges de relégations de ces héroïnes douloureusement fugitives. La mère d’Allison vit sur un bateau, élève sa fille dans une pédagogie dite alternative. Portrait d’une certaine Amérique encore enviable… Il m’a cependant semblé que le roman trouvait son ancrage dans le Londres des danseuses fauchées et dans le Dublin des bookmakers. Sans trop en dire, la soudaine percée du passé parvient, dans une confession orale, au seuil de la conscience, avec une belle économie de mots, elle aussi à figer un climat et à laisser transiter une émotion comme autant de sourde indignation.



Un grand merci aux éditions de la Table Ronde pour l’envoi de ce roman à paraître le 22 août 19

La fuite en héritage (trad : Cécile Arnaud, 300 pages, 21 euros)

4 commentaires sur « La fuite en héritage Paula McGrath »

  1. J’ai été un peu paumée, moi, dans les histoires, surtout la fin qui aurait dû prendre place au début. De nombreux thèmes importants en Irlande, région dublinoise c’est la misère, le chômage, l’interdiction d’avorter et la lourde histoire des Magdalene Sisters, tout ça pas développé, dommage…

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