La proie Deon Meyer

Un pays en proie à la corruption, un homme, Benny Griesel, en proie au doute et un autre à de meurtrières manipulations. À son habitude, Deon Meyer happe son lecteur dans un thriller sans répit. En dehors de sa grande tension narrative La proie parvient à rendre la dignité de la vie dite quotidienne.

Deon Meyer est un auteur que je retrouve toujours avec un certain plaisir. Un de ceux qui savent parfaitement faire le boulot : écrire un livre dont la lecture saura vous captiver. Pas besoin d’innovation formelle, La proie reprend les codes du thriller. Le roman enchaîne deux récits pour mieux en suspendre le déroulé, tous les deux s’accrochent à une date butoir. Benny veut, entre atermoiements et espoir, demander Alexa en mariage et, à Bordeaux, Daniel Darret retrouve son passé, ses luttes contre l’apartheid et sa fidélité guerrière qui, il faut bien l’avouer dès les premières pages pue l’arnaque, va le mener à la fatalité du meurtre. Deux fatalités en parallèles, deux récits diablement rythmés. On peut d’ailleurs légèrement regretter que la partie bordelaise semble d’abord un décor carte-postal, sans grand-arrière plan, sans cette connaissance lapidaire de la tension sociale et ethnique dont, pour l’Afrique du Sud, Deon Meyer parvient avec une rapide aisance à rendre compte. Une France un rien idéalisée dans laquelle, à ce qui ce dit, l’auteur ferait de fréquent séjour. Un décor surtout à peine décrit pour mieux laisser s’installer l’action ou pour mieux dire le désir de dignité qui, peut-être, l’animerait.

Il me semble qu’un des grands charme du polar est de souvent reposer sur idée simple et universelle. Le lecteur peut ainsi croire avoir décelé l’idée initiale du roman, l’image qui l’anime. Toujours un vrai attrait quand il s’agit d’une notion difficilement traduisible. Isisthunzi : le droit à la dignité, à une vie dans laquelle, derrière sa simplicité apparente, on peut se regarder. Daniel, en cavale, rénove puis construit des meubles, apprends la patience et son renoncement, Benny Griesel, lui, combat toujours les possibles résurgences de son alcoolisme, sa crainte d’une vie quotidienne. Le polar ou les intermèdes heureux, temps suspendu ou tout semble possible. Peut-être grâce à la grande tension nerveuse de ce roman à sa façon (toujours très dans les codes du polar) de dénoncer une corruption endémique. Le pays arc-en-ciel peine à se remettre, la corruption prend dans ce roman un visage si humain. Vaughn Cupido l’adjoint de Griesel (un des plaisirs de ce roman est de retrouver toute son équipe) la pourfends simplement pour se faire bien voir du fils de la femme qu’il aime. La dignité, toujours puisque l’héroïsme n’a peut-être pas d’autre nom. Deon Meyer n’en oublie pas pour autant les fausses-pistes indispensables au polar. Une réécriture amusée d’abord du Crime de l’Orient Express d’Agatha Christie. Toute l’affaire part d’un crime commis dans le train le plus luxueux du monde, le Rovos. On passe toujours très vite à autre chose, à une autre fausse piste. Un faux suicide inacceptable et qui touche de près un autre proche de Griesel. Notons aussi une ultime et discrète forme de dignité dans l’hommage, bien amené, à Peter Temple.


Un grand merci à la Série Noire de Gallimard pour l’envoi de ce roman à paraître le 13 août.

La proie (trad : Georges Lory, 567 pages, 18 euros)

Un commentaire sur « La proie Deon Meyer »

  1. C’est un auteur que j’apprécie beaucoup moi aussi. « Lemmer l’invisible » est excellent ou encore « En vrille »… Je suis bien tenté par ce nouveau titre. Merci et belle journée 😃

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