À l’ombre de la Butte-aux-Coqs Osvald Zebris

Les meurtrières hallucinations de l’Histoire. Riga 1905, soubresauts révolutionnaires, répressions, noir antisémitisme. À l’ombre de la Butte-aux-coqs parvient à restituer la folie cet instant par une histoire d’enlèvement d’enfants et surtout par ses douloureuses justifications. Osvalds Zebris signe un roman plaisant aux allures de polar.

Il me paraît toujours étrange qu’un roman s’empare d’une date pour en faire un déclencheur ; il me semble toujours nuisible d’y voir alors, confortablement, d’inquiétantes ressemblances avec notre maintenant. Pour échapper à la reconstitution, pour éluder de trop évidents parallèlisme, Osvalds Zebris se place dans la tête d’un narrateur peu fiable, sympathique au fond dans son désir de rachat schizophrénique. Il situe son intrigue un an plus tard et la laisse se dérouler par une poursuite policière pas bien menaçante au vu de son incurie. À l’ombre de la Butte-aux-coqs séduit d’abord par sa manière d’entremêler les époques : des souvenirs d’enfance, de détestation écolière par cette proximité de la protection quasi fraternelle. Simultanément Zebris nous porte dans une assez enthousiaste clandestinité contestataire. Les liens ne se mettront que très progressivement en place. La folie de l’époque, la connerie de la police et de son crade antisémitisme (on assiste à la propagation de l’infâme protocole des sages de Sion), répond à celle de Rudolf, le ravisseur des trois enfants. Il nous plonge dans son instructive histoire. L’enthousiasme d’un soulèvement qui ne tarde pas à être rattrapé par les dissensions et la répression. La réappropriation des biens devient une comédie : un château est incendié, selon la police ; les réquisitions sont plus ambivalentes selon le témoin halluciné que devient Rudolf. Une part de moi, avouons-le, n’aime pas trop ce relativisme. Même s’il peut s’entendre en Letonie, on sait ce qui va suivre. Sans rien connaître sur le sujet, il me semble pourtant que ce soulèvement populaire ne venait pas de nulle part, qu’elle contenait sans doute même une indéniable beauté. Passons. Attardons nous, pour finir, sur la naissance d’une nation, sur la lutte pour sa langue, par le rôle des insituteurs dans cet apprentissage du letton à la place du russe. Manière pour l’auteur de montrer que cet ombre de la Butte-aux-Coqs est loin d’être aussi machiavélique que le pense ce très beau personnage principal.


Merci aux éditions Agullo pour l’envoi de ce roman.

À l’ombre de la Butte-aux-Coqs (trad Nicolas Auzanneau, 256 pages, 21 euros)

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