Pourquoi tu danses quand tu marches ? Abdouraham A. Waberi

Djibouti, la polio, la lecture et l’écriture comme roman d’initiation. Jouant sur l’émotion, Abdourahman A. Waberi fait le récit de son enfance, ses souffrances et refuges. Pourquoi tu danses quand tu marches ? roman calibré qui fonctionne trop bien ?

Voici un exercice que je n’aime pas : parler d’un livre dont je suis radicalement passé à côté. Toujours le soupçon de n’être pas le public visé, de trop réfléchir, voire de trop lire ce qui empêcherait l’abandon à l’émotion. La finalité de ce carnet de lecture est de consigner ce que m’apporte chaque lecture, ce que je peux en faire, en quoi chaque écriture altère et informe ma quête d’une voix, d’une parole. La tentation pour Pourquoi tu danses quand tu marches ? serait de, trop sèchement, répondre: ce livre ne m’a pas apporté grand-chose, il sera de ceux qui, dans six mois, n’évoqueront aucun souvenir, ne reviendront pas pour leurs lancinantes questions, pour les interrogations nées de leurs failles ou de la sympathie pour leur ratage, leur projet un peu trop grand. Tentons d’approcher plus précisément ce roman. J’avais pourtant bien aimé, dans mes souvenirs, La divine chanson. Ici la lecture m’a apporté la constante impression de voir les rouages de ce roman admirablement fonctionnés mais sans jamais me toucher par un recours fort au pathos,à l’émotion et ses bons sentiments. Ça fait vraiment vieux con cynique de le dire ainsi.

Pourquoi tu danses quand tu marches ? est un roman que je comprends que l’on puisse adorer. Tous les ingrédients sont réunis.Trop sans doute. Nous avons d’abord un dispositif narratif qui met délicatement à distance, qui permet à l’auteur de feindre la naïveté et d’énoncer la simplicité de son ressenti comme des leçons de vie pour ne pas dire une philosophie de vie, résilience et reconstruction dignes d’un manuel de développement personnel. Pour faire bonne mesure, on y ajoute une petite couche d’exotisme, de facile culpabilité. C’est la partie la plus intéressante du roman. Évocation sensible des TFAI, la colonie française de Djibouti. Sous l’œil d’un enfant renvoyé à la solitude de sa souffrance, à son désir de récits et de compréhension. Malheureusement, la narration ajoute toujours un contre-point plein de bon sentiment. Impressions sans date, l’enfance et sa naissance aux perceptions sont platement retrouvées pour parler à la fille du narrateur, lui transmettre une vision de ses ancêtres, avec une grande insistance. On vous somme d’être émus. Pas trop mon genre. Surtout quand le contexte, encore une fois finement décrit, sert à illustrer la rédemption par les mots, la croyance dans l’écriture, dans sa sincérité première. Le roman manque de secrets, de dissimulation, d’humour, de retenue qui ne soit pas une manière de se rendre lisible, pour ne pas dire vendeur. Pas pour moi, d’autres j’en suis sûr seront touchés.


Merci à Folio Gallimard

Pourquoi tu danses quand tu marches (219 pages, 8 euros 10)

Un commentaire sur « Pourquoi tu danses quand tu marches ? Abdouraham A. Waberi »

  1. On serait tenté, après cette critique en forme de descente en flammes, d’acheter le livre ne serait-ce que pour constater ce qui a pu la provoquer.
    Mais l’invasion livresque actuelle implique une sélection fine dans les dépenses littéraires auxquelles on peut… concourir.
    Même si la photo de couverture de ce roman, quoi qu’un peu redondante avec le titre, est pourtant gentiment attractive. 🙂

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