Mut 1.3

Dispositifs collectifs pour une mutation de ce que nous sommes, pour l’altération de nos perceptions, pour l’invention d’un langage, et de son écriture physique, gesticulée, ou dans d’inventifs mécanismes, des adaptations machiniques. Ce collectif d’artistes, poètes et performeur, écrivains ou rêveurs poursuit son épuisement, par dérivations, recensions et fragmentations, de ce qui, aujourd’hui, serait susceptible de « penser, formaliser et extrêmiser leurs manœuvres d’ajustement et d’adaptation au monde, et à son langage et à ses machines mercantiles. Suites variées, hybrides, de propositions, d’interventions où s’entendent, se devinent seulement parfois, des outils mentaux pour créer et survivre.

Nous ne savons comment rendre compte de ce recueil collectif. La forme usuelle de nos recensions en cernera bien mal la pluralité. Tentons de faire simple. Commençons par l’insuffisance de nos défaillances, notre pudeur qui, peut-être, confine la poésie dans une vision un peu datée, individuelle qui pis est. Nous l’évoquions à propos d’À travers touts de Mathias Richard, qui a une place centrale dans ce projet : les installations artistiques, les dispositifs, la théâtralisation de la condensation et de l’altération du langage me gêne. Le jeu des rapports sociaux, ses codes et entre-soi, dominations et querelles d’égo, souvent, non sans facilité, parasitent mon attention. Avant tout, peut-être d’un autre siècle, lecteur je parviens, pas toujours et là encore avec pas mal de réserves, seulement à entendre une voix au secret du silence, au retrait de la lecture. Sans doute ne suis-je pas entièrement la personne à qui ce texte est destiné. Sans doute est-ce pour cela que je peux tenter d’écrire dessus, uniquement pour dépasser mes a priori, les limites de mon pauvre point de vue. Spontanément, trop catégorique, mon premier avis sur ce recueil aurait été que derrière l’invention de machines, le détournement technologique, la systématique altération de nos perceptions afin de les rendre à leur urgence, acuité, intérêt et arbitraire, la matérialité de ce qui ainsi serait produit a suscité, en moi, peu d’échos, de retentissantes altérations, de volontés de les expérimenter, de me les approprier. Au premier abord, j’ai été interpellé seulement par la contribution de Charles Pennequin qui est davantage un examen de son propre rapport au langage et comment son écriture y parvient : « Un langage qui reprend tous les tics de la parole, mais pas pour parler, pour écrire dedans et défaire tous les parles et toutes les raconteries. »Un langage qui, pourtant, échapperait aux automatismes de la beauté, à son lyrisme et à sa langue qui se voudrait couper du quotidien, couper de celui d’une certaine classe, de sa fatigue routinière. Entendre alors des bribes de réel, sa violence, comment sans doute ordinairement nous taisons cette rumeur, ne savons plus la restituer par une écriture qui en dévierait la fatalité. On veut comprendre, au risque assumé de l’erreur, que les mécanismes for rêveurs proposés par l’ensemble de ces autrices et auteurs tentent cela. À l’évidence, parfois le dispositif ne paraît pas fonctionner. Mais sur quels critères. Si nous écoutons, déjà, le vide sonore des formules creuses qui parasitent nos perceptions, si nous nous souvenons qu’il est possible d’y échapper, peut-être est-ce déjà un succès. Alors, certes, nous sommes un peu touchés par l’écriture physique, en tatouage, en danse que propose Yohann Sarrat ; un peu rétif aux glossolalies de Mathias Richard autour d’un mot pivot que nous avions, pour l’essentiel déjà lu dans À travers tout. Nous avons quand même trouver plusieurs points technologiques qui existent comme tentatives, un vrai geste qui mérite d’être essayé comme Sculptext ou il s’agirait de modéliser un texte, de lui sculpter avec un logiciel de modélisation, une texture. Notons aussi la tentative de faire image, une vidéo, à partir du dysfonctionnement d’un ordinateur, de son écran qui freeze. L’immense valeur de ce texte est de tenter une expression contemporaine, de m’interroger sur l’idiot primat de l’émotion. Alors que nous aimons beaucoup, pour l’humour qui serait sans doute un des points communs de toutes ces propositions, la machine horreur comportementale 2 qui propose de nous apprendre à devenir un poltergeist, en une journée, en plus. Toutes ces machines, dont je ne veux pas résumer le fonctionnement (allez donc consulter le site Mutantisme) suggère de captivantes vrilles à nos comportements sociaux qu’il s’agirait, par un geste minimal, de rendre à son absurdité fondamentale. Ainsi, on pourrait faire poésie, altération de ce qui serait notre réalité, en collectant et exacerbant les plus foutraques théories du complot ou, d’une manière plus entendue (en exacerbant le rimbaldien dérèglement de tous les sens) inventé des disjoncteurs sensoriels, sentir comme si tout était état d’urgence. Même si nous sommes forts désolés de ne pas pouvoir mieux en parler, avouons que l’idée même que ces tentatives existent, se poursuivent, me rassérène.


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Merci aux éditions Caméras Animales pour l’envoi de ce livre.Mut 1,3, bulletin de liaison mutantiste, 155 pages, 15 euros)

4 commentaires sur « Mut 1.3 »

  1. Connaissais pas, par curiosité suis allé voir sur Youtube en écrivant Mathias Richard, tombé sur une chanson  » Ma fiancée est de toute beauté » Une insistance des mots qui rappelle celle de Gertrude Stein. Intéressant. Merci pour cette découverte.

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