Le quatrième homme Kjell Ola Dahl

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Le quatrième homme est la troisième enquête de l’inspecteur Frank Frolich. Kjell Ola Dahl est un des meilleurs représentant du polar norvégien. Depuis Gunar Staalsen, le roman noir norvégien a adopté une sécheresse d’une admirable dynamique. Dans cette histoire, qui semble d’abord un peu entendue, ce minimalisme descriptif emporte le lecteur.

J’ai lu plusieurs volumes des enquêtes de Frank Frolich et de son groupe de policiers. Le quatrième homme me paraît le plus réussi. D’abord parce que ce roman de procédure parvient à se diviser harmonieusement entre tous les protagonistes. Outre Frank Frolich dont on aura les états d’âme, toujours à hauteur de flic, le vieux flic bougon (amateur de jazz et de whisky) Gunnarstranda me paraît un personnage plutôt bien campé. L’art de Dahl est de ne pas se perdre dans la description des personnages, dans leur intimité dont il est fastidieux de miroiter la normalité, et de surtout ne pas s’égarer dans des considérations sociologiques. Nous n’aurons pas le droit au modèle sociale en décrépitude, au flic qui veut abandonner son métier faute de s’y retrouver. Une forme de minimalisme que nous retrouvons également dans Fermé pour l’hiver.

Au contraire, Kjell Ola Dahl me paraît un romancier intéressant justement par sa propension à lier son écriture à son propos. Frolich rencontre une femme dans un braquage branque. Le scénario est trop connu pour qu’il ne s’y engouffre pas à corps perdu. L’attraction amoureuse répond à un prévisible discours. L’auteur atteint ici la grâce de ne pas s’y attarder et d’en rendre des instantanées aptes à rendre la façon dont, comme tout un chacun, Frolich s’illusionne.

La femme fatale est un passage obligé du roman noir. Celle du Quatrième homme est admirable par l’obscurité de ses motivations. Certes, le dénouement de cette belle intrigue sans suspens excessif s’appuie un peu trop sur une explication psychologique rétrospective. Mais l’ensemble fonctionne.

Le flic qui enquête au-delà de ses prérogatives à cause d’une improbable implication personnelle, le cadavre qui sert de doublure sont des éléments d’intrigues convenus que l’auteur parvient à rendre crédible. Sans doute par la précision, minimaliste bien sûr, dont il rend les sentiments de ces personnages.

Pour lui, non sans raison, un flic est celui qui interroge la moralité et la normalité de tout comportement d’une apparente normalité. Aucune histoire d’amitié ou de formation entre flics dissemblables, rien qu’un soupçon envers un collègue soutenu par cette intimité née uniquement de la promiscuité. Dahl parvient bien à rendre compte de la façon dont ses flics s’ignore.

L’autre thème bien traité par le minimalisme de ce roman est cette façon d’effacement que finit par apporter un deuil dont la douleur n’a jamais ici la moindre grandiloquence. Frolich laisse s’éloigner celle qui ne fut qu’une passade. Il compose avec sa douleur sans que l’on puisse rien en savoir.

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