Comment j’ai trouvé un boulot Jim Nisbet

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Comment j’ai trouvé un boulot ? ou le roman noir dans son meilleur. Jim Nisbet parvient à y glisser une vraie drôlerie, celle d’une vision acerbe de la société. Par une écriture toujours inventive, d’une belle précision mais sans perdre de vue la fantaisie, Comment j’ai trouvé un boulot ? est un grand roman.

La scène d’ouverte d’emblée captive le lecteur. En se préparant, par des procédés baroques, leurs doses d’héroïnes deux toxicos citent le Cimetière marin. La bêtise n’est pas le fort de Nisbet pour continuer sur Valery. Ses personnages sont d’une singularité sans outrance ni cliché. Un trio qui, contrairement à l’idée reçue sur la drogue, n’a rien d’une bande de paumé  entraînée malgré elle dans des péripéties qui la dépasse.

Curly Watkins aime citer du Rimbaud ou du Marx, vérifier l’étymologie des substances qu’il ingère. Musicien qui n’est jamais parvenu à véritablement percé, son point de vue est toujours révélateur sur la ville de San-Franscisco et de l’Amérique contemporaine. L’occasion de souligner à quel point Jim Nisbet est un fin dialoguiste. Les réparties sont toujours hilarantes, froidement lucides.

Dans la meilleure tradition du roman noir, on parle beaucoup et on agit comme on peut. Notons d’ailleurs que cette légèreté de tons, cette apparente désinvolture qui cache une incroyable maîtrise de l’intrigue, crée une atmosphère. Elle n’est pas sans rappeler celui de la série des Enquêtes de Claire de WItt de Sara Gan.  Si vous ne connaissez pas, il vous faut absolument découvrir.

Les deux autres protagonistes sont aussi parfaitement portraiturés que Curly et son tatouage de pieuvre sur la gueule. Ivy Pruitt, batteur de génie dégoûté de l’industrie musical, vit retiré dans un appartement d’une propreté maniaque. Le ranger est sa seule activité à part, bien sûr, ses préparations savantes d’héroïnes. Lavina, l’ancienne compagne d’Ivy, est la doublure d’une femme fatale. Quand elle ne récupère par des impayés, elle fait commerce de la vidéo-surveillance du braquage mortelle de son ex petite-amie. Nisbet sait laisser entendre la tendresse pleine de mauvaises blagues qui relie cette petite bande qui, par refus de tout travail salariale, se trouve embarqué dans les combines non pas les plus minables mais juste magnifiquement tordues. Si vous vous attendez à une description de l’enfer de la drogue, passez votre chemin. Si vous goûter à une critique de nos modes de vies salariales et sédentaires, Comment j’ai trouvé un boulot est un livre pour vous.

Un tout petit bémol dans ce livre à lire toutes affaires cessantes (qu’avez-vous de mieux à faire ? ne manquerait pas de demander Nisbet) est la rencontre avec le tueur. Sadique en série, bien sûr.  Une réticence, toute personnelle, me pousse à ne pas aimer les changements impromptus de narrateur. Nisbet, soudain, passe d’une narration sous l’œil faussement cynique du sentimental Curly à une description à la troisième personne des agissements du tueur.

Nisbet a trop de talent pour rater la psychologie de son psychopathe. Il parvient à le singulariser, à montrer quel pauvre type il est lui et ses obsessions meurtrières. Le recours a un dialogue diariste avec lui-même est un dispositif d’une rare efficacité pour décrire les scènes de suspens. Et l’idée des pastilles à la menthe…

 

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