Dernier cri Yonatan Sagiv

Polar israélien paradoxal : il explore les contradictions d’une société, d’abord par ses marges, par son enquêteur gay et par le milieu des trans que son enquête va explorer, Dernier cri en révèle les tabous (homophobie et racisme) et les libertés (un permanent rapport à l’autre fait, aussi, d’entraide). Avec une constante ironie, par une belle distanciation à son personnage et à ses défauts, Yonatan Sagiv pointe les errements, narcissisme et mercantilisme, d’un Tel-Aviv rendu à une complexité qui, aujourd’hui, nécessairement interroge. Au-delà de l’enquête d’Oded Héfer sur une starlette dépressive, on goûte sa plongée sociale et sa critique par distanciation.

Vine Street Dominic Nolan

Les fantômes de Soho, des meurtres dans les années trente et jusque sous le Blitz, une poisseuse atmosphère merveilleusement restituée dans le Londres des bars à pute, des flics corrompus au grand cœur.Vine street plonge son lecteur, en dehors de cette poursuite du retors Brigadier (qui forme, dans ses manipulations, violences et usurpations d’identité, une intrigue rythmée), dans les méandres des pensées et violences de Leon Geats, son protagoniste ambivalent et obsédé. Sur la trace des plus grands, Dominic Nolan trouve son chemin sans doute par une fine, féminine, interrogation de son déploiement de violence et surtout de tout ce qu’elle ne justifie pas.

La sainte paix André Marois

La propriété privée, c’est le meurtre ! Dans le fragile miracle de ce petit polar tout d’atmosphère, de tension et de détails, d’un quotidien incarné dans son attention à ce que l’on prend pour sa paix, pour la Nature aussi. Une vielle dame ne supporte plus sa voisine, le passé qu’elle partage ; l’annonce de son départ, pourtant, la fera basculer dans la planification et le crime. Sous son aspect burlesque, La sainte paix révèle un beau et discret dispositif narratif par lequel préparation et exécution sont des dialogues, de savantes répétitions. André Marois signe un polar malin et plaisant.

Qui après nous vivrez Hervé Le Corre

La hasardeuse survie, génération après génération, après une suite de prévisibles catastrophes climatiques, d’épidémies et d’incuries totalitaires. Dans une saine colère, dans la nécessaire dénonciation de l’indifférence (au mieux) de notre époque, Hervé Le Corre s’essaie à un très peu optimiste récit post-apocalyptique et parvient à traquer les bribes d’humanité de ses restes tenaces d’espoirs et de confiance, de volonté de continuer, d’inventer un demain au-delà de la survie à la violence. Par ce vers de Villon, Qui après nous vivrez interroge avec une lucidité désespérée l’avenir auquel, ayez pitié de nous merci, nous ne saurions nous résigner.

Meurtre à l’anglaise Cyril Hare

Délicieux pastiches des plus purs codes du roman policier : un manoir, des invités coincés par une tempête de neige, meurtres et sagace résolution par un détective qui ne quitte pas son fauteuil, sa glaciale salle d’archives. Avec un mélange d’imperceptible ironie et le sérieux qui convient pour mener cette intrigue avec la plus grande efficacité narrative possible, Cyril Hare propose un jeu très plaisant, plein de contemporains échos et d’un regard très pertinent sur les affrontements et autres dominations exacerbés par ce criminel enfermement. Meurtre à l’anglaise se révèle un divertissant roman, plus noir qu’il n’y paraît.