Océania Bernard Fischli

Vers un avenir sans retour ou quand la colonisation d’autre planète nous met face à la mer, rend ce milieu vivant hostile, obstinée poche de résistance à nos destructrices volitions de dominations. Totalement dans les codes du genre (prépondérance de la science et plaisir d’une lecture qui oscille entre passé et présent) Bernard Fischli instaure le climat de panique de ces exilés face à l’isolement et l’hostilité. On peut peut-être regretter le dénouement d’Océania.

Un des grands avantages à s’astreindre à tenir un carnet de lecture est de continuer à interroger vos réticences. Je ne lisais pas, ou peu, de SF. Au hasard des Services de Presse, j’en reçois de plus en plus. Une re-découverte souvent intéressante. Comme toutes littératures dites de genre, la science-fiction obéit à un certain nombre de codes. C’est un des aspects plaisants d’Océnia est la certitude que Bernard Fischli s’y confond. De la SF pour ainsi dire classique, solide. À l’image de ce que fait le polar, l’auteur prend au sérieux son récit : il y guide son lecteur, ménage suspens et sympathie, trouée de flux de conscience des sentiments d’inadaptation de son personnage principal qu’il sait nous rendre sensible. Ana est biologiste, la terre est devenu un milieu ultra-compétitif, seuls peuvent y survivre ceux d’une calculatrice rentabilité. Les autres sont exilés sans retour vers un définitif ailleurs. Océania fait, visiblement, partie d’une trilogie qui se penche sur ce problème : que fait-on quand on ne peut plus revenir, comment on se construit dans un radical ailleurs, une temporalité tout à fait autre.

Le roman, peut-être tout particulièrement la science-fiction, consiste à imaginer une situation et à voir comment réagiront les personnages. On aime bien cette idée du Saut, pas plus expliqué. L’exil comme diffraction temporel, impossible synchronie avec le temps du là-bas. Fischli reprend les bases du genre : une utilisation de la science pour ses possibilités romanesques, pour ses portes ouvertes sur le mystère. Ainsi, le Saut serait cette distorsion de l’espace-temps contenu dans le voyage interstellaire: on vieillit moins vite en mouvement ! Au début, le retour est possible, mais pour retrouver des morts. Ensuite on s’acclimate, on tente de trouver du sens à nos recherches. Partie vraiment passionnante où Ana plonge pour tenter d’éclairer l’animation, l’aimantation, de la mer. Ultimes traces de vie restés dans un temps autre. Panique latente. Sans trop en dire, on peut quand même regretter que le dénouement laisse cette menace en suspens. Certes sur cette possibilité de construire un monde moins mauvais, de se rappeler qu’avant d’espérer un improbable, peu souhaitable, plan B d’un exil sur une autre planète, il reste à inventer un avenir vivable sur la nôtre. Pas gagné.


Merci aux éditions Hélice Hélas pour l’envoi de ce roman.

Océania (317pages, 22 euros, 28 CHF)

2 commentaires sur « Océania Bernard Fischli »

Laisser un commentaire