Illska Le Mal Eiríkur Örn NORÐDAHL

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Première évidence : le manque d’écriture. Remarque dont la stupidité tient à l’impossibilité de l’étayer, surtout pour un ouvrage traduit. Pourtant, frappé par une platitude, un vocabulaire sans heurt ni la moindre impression de décalage. Dommage que ce style ne touche pas à la brutalité, à la confusion, auxquelles prétend l’auteur. Dans toute la première partie, il pointe l’hypothèse de ce mal généralisé, de ce nazisme auquel tout pourrait se comparer.

Le postulat est d’un goût douteux. Il fonctionne pourtant dans son accumulation. Dans la première partie du roman, chaque paragraphe vient comme un commentaire. Ensuite, le lecteur se laisse prendre à la fragmentation du récit selon différent point de vue. Pourtant, toujours peut-être à cause de ce défaut d’écriture, la gratuité de l’intrigue finit par frapper. Une jeune étudiante un peu paumée, sans doute trop prétendument représentative de sa génération, éprouve une fascination coupable envers le nazisme et un de ses attirants spécimens. La femme et ses deux amants, triangle amoureux attendu. Ce passage obligé est néanmoins traité non avec légèreté mais une impression tenace que l’auteur lui-même peine tout à fait à y croire.

Il me semble alors que le roman est rattrapé non par la pesanteur de son sujet mais par celle des idées qui le parasitent. Après cette première partie, le romancier ne parvient pas totalement à doter de chair ses personnages. Ils restent porteurs d’une seule idée : un contact à l’altérité. Au passage, le lecteur prend connaissance d’une autre vision de la Shoah. Dans son enfermement insulaire, l’Islande aurait représenté le foyer préservé de la prétendue race aryenne. D’où une certaine sympathie de la population et d’où surtout une tenace incompréhension.

Je m’interroge sur le passage obligé, dans beaucoup de roman, de la question du caractère nationale. Au moins dans ce livre, cette haine de son propre pays, sain réflexe premier dans toute tentative de définition de soi, a la grâce d’être simplement théorique. Polyphonique bien sûr comme une évidence à laquelle, depuis Dostoïevski, le roman ne saurait échapper. L’héroïne est d’origine lituanienne. Elle s’interroge donc sur les stéréotypes véhiculés sur son identité native. Miroir de celle islandaise qui navigue entre la revendication de la spécificité et le refus de sa sauvagerie exotique. Avec la même stratégie de l’accumulation, la réflexion acquière une indéniable finesse. Un trait d’humour aussi qui tombe juste quand il échappe au cynisme.

La dernière partie du roman semble atteindre son but : donner la parole à l’altérité. Le recours à une histoire spéculative pour donner la parole à ce jeune garçon, à la filiation nécessairement incertaine, m’a parût assez plaisant. Une façon peut-être de sortir de la théorie.

Une certaine réserve également sur sa critique des réseaux sociaux. Le mari malheureux vit tout sous le prisme de l’internet. Il paraît coupé d’une réalité dont le roman ne me semble pas creuser assez les aspérités. Ben Lerner nous en offrait une vision plus transitoire et moins appuyée. Peut-être plus pertinente au sens qu’internet me paraît le simple médium d’un symptôme plus préoccupant et sans doute plus pérenne.

L’ambivalence de ce roman, l’agacement qu’il produit souvent, sa singularité un peu maladroite, en font une lecture intéressante. Cette note, une semaine après la fin de ma lecture, rend au moins compte de sa capacité à désorienter le lecteur.

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