Éléphant Martin Suter

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Les romans de Martin Suter se révèlent des trésors délicats. L’irruption d’un éléphant rose et luminescent introduit, comme souvent chez cet auteur, un subtil basculement dans l’ordre du monde. Avec une vraie tendresse, sans la moindre naïveté, Suter met en question notre monde contemporain et ses d’autant plus terrifiantes manipulations génétiques qu’elles sont inutiles. Un rare roman heureux et captivant.

Après les enquêtes d’Almen où une mordante ironie décrivait les hautes et artistiques sphères de la Suisse contemporaine, après tout une série de romans où soudain l’ordinaire bascule dans l’extraordinaire (deux billets ayant le même numéro de série, une amnésie qui révèle une trompeuse amitié, un cuisinier dont les plats aphrodisiaques dérapent…), Éléphant poursuit l’univers singulier de cet auteur.

Les romans de Martin Suter se révèlent des trésors délicats. L’irruption d’un éléphant rose et luminescent introduit, comme souvent chez cet auteur, un subtil basculement dans l’ordre du monde. Avec une vraie tendresse, sans la moindre naïveté, Suter met en question notre monde contemporain et ses d’autant plus terrifiantes manipulations génétiques qu’elles sont inutiles. Un rare roman heureux et captivant.Martin Suter aime à envisager des univers différents. Toujours d’une manière extraordinairement renseignée. À aucun moment le lecteur ne doute, pris dans cette histoire simple dans lequel il est happé, qu’il soit possible de produire un éléphant rose et luminescent. La dénonciation s’empare toujours d’un fait précis. La capacité humaine de produire des glowins animals est traitée dans toute son absurdité. Sans grand discours ni le moindre commentaire. L’occasion d’aborder la manipulation génétique et de le faire avec la finesse de présenter des arguments contradictoires. Aux soins pour l’homme de demain, à sa réalité surajoutée dont traitait un peu empiriquement L’invention des corps, Suter oppose le fantasme démiurge de se divertir des animaux, Le sourire du lézard nous offrait une jolie illustration de cette thématique. L’auteur n’est jamais aussi à l’aise que dans la description de nos cynismes contemporains. Jamais de méchants dans ses histoires. Juste des imbéciles aveuglés par leurs velléités de gloriole. Une sorte de sympathie ironique prêtée à tous ses personnages. Le Dr Roux n’est pas un savant fou, rien qu’un pauvre type.

Pour une fois, Suter tente une plongée dans les marges. L’univers des SDF, en tant qu’observateurs privilégiés de nos sociétés passionnent la littérature de Ripley Bogle à Orages ordinaires. Nous retrouvons ici le ton particulier de Suter : toujours un peu d’ironie dans la sympathie portée à Schoch. On sent une belle observation de terrain toujours très heureusement occultée derrière une intrigue portée par une écriture à la fois sèche et descriptive. On se laisse porter dans ce combat contre l’injustice et la manipulation précisément car il est porté par des bras-cassés. Schoch ne tardera pas à être accompagné d’une vétérinaire végétarienne et idéaliste. La place des femmes s’en trouve alors un tout petit peu moins stéréotypée.

In fine, Éléphant s’avère un livre difficile à commenter. Il faut juste se laisser prendre au plaisir de sa lecture.

 

 

 

9 commentaires sur « Éléphant Martin Suter »

    1. N’hésite surtout pas à repasser pour me dire ce que tu as pensé de cette lecture. Mais je crois que tu aimes Von Schirach. Il existe une sorte de proximité entre ses deux auteurs. Elle est pas facile à situer donc j’ai préféré ne pas l’évoquer.

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    1. C’est vraiment agréable de se laisser porter. Une lecture où, pour une fois, je me suis pas demandé à chaque instant ce que j’allais écrire dessus. Un roman où le commentaire paraît assez inutile en somme.

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    1. J’ai eu une grande passion pour Suter, j’en ai lu beaucoup à la suite. D’où une impression qu’il se répétait un peu. Après une petite pause, j’ai replongé dans son univers. Heureux de savoir qu’il me reste un ou deux livres de lui à connaître.

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