La route de tous les dangers Kris Nelscott

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Un très bon polar de par son pari de la simplicité. Dans La route de tous les dangers, Kris Nelscott ose une approche intimiste de l’assassinat de Martin Luther King. Au cœur de la ségrégation raciale ce roman qui se lit sans coup férir offre une intrigue parfaite, dans une prose rythmée et d’une délicate efficacité. Une série annoncée de romans à découvrir.

Le sujet pourrait paraître rebattu : la contestation pour les droits civiques noirs. Une tâche sombre dans l’Histoire des États-Unis sans cesse mise en lumière. Sans doute pour en montrer la désolante absence de solution. Le roman s’ouvre sur les émeutes de Newark dont Paul Auster dans son remarquable 4 3 2 1 donnait déjà une image saisissante.

Très difficile de saisir pourtant la manière dont Kris Nelscott parvient à entraîner son lecteur dans ce roman qui ne cherche pas à tout prix à se singulariser. Suivre les pas de Smokey Dalton, détective noire (qui bricole comme il présente son activité aux blancs, rend des services pour sa communauté) a une sorte d’évidence. Peut-être parce qu’elle croit à son histoire, sait exprimer son indignation par une histoire individuelle assez tortueuse pour ne jamais se prétendre être représentative d’une époque.

Le deep south américain est un territoire éminemment littéraire. Pour ne parler que des auteurs lus ici Robert Penn Warren nous en offre une vision apocalyptique mais blanche. Et surtout en exil comme le seront, au passage, Les douze tribus d’Hattie. Encore une fois, pas certain que l’angle de la nouveauté soit une façon profitable de parler du roman de Kris Nelscott. Si pour moi l’alchimie a prise c’est pour des qualités plus intangibles : une compassion pour ses personnages, pour ce qu’ils vivent et un art certain de mener un récit qui ne prétend être rien d’autre qu’une distrayante et instructive lecture. On se laisse prendre et, même si on le sent dès le début, il nous devient très vite indispensable de savoir la suite, comment Smokey va se sortir d’une improbable situation où il se trouve embarqué dès le début du roman.

Cette simplicité m’a d’ailleurs semblé servir admirablement le propos. J’ai sans doute à peine évoqué le sujet à propos de La dissipation de Nicolas Richard mais la paranoïa est un des ferments les plus assurés de l’Histoire américaine. Dans son admirable et allumé trilogie American Underworld James Elrroy, avec son admirable sophistication paranoïde fascinée par la violence, démontrait clairement l’intrication des événements des années soixante à cette grille de lecture. Curieusement, je me rappelle assez peu des multitudes de théories développées dans American Death trip  à propos de la mort de Martin Luther King. La route de tous les dangers propose une vision nettement plus sensible. Oserais-je aventurer féminine ? Smokey ne croit pas aux conspirations. Il devra pourtant se rendre à l’évidence.

On pressent d’ailleurs, comme dans toute bonne série policière, que Kris Nelscott esquisse les traits du méchant qui servira d’antagoniste à ce héros imparfait mais sans ces excès de noirceur où, à mon sens, se confine un peu trop facilement le polar.

Pour ne rien révéler de l’intrigue (parfaite comme exposition du personnage et de ses rapports complexes au passé), disons seulement un mot sur le rapport à l’espoir sur lequel se referme ce roman. Kris Nelscott rappelle un mot d’ordre de Martin Luther King : « Développons une dangereuse générosité ». Un piqûre de rappel bien venue, non ? Elle peut paraître, au cynique, un rien naïve. Elle est prononcée juste avant de se faire assassiner. Elle suscite un rien d’espoir, bien sûr trahi. Mais sans doute substiste-t-il encore. N’en disons pas plus, laissons au lecteur le plaisir de s’absorber dans ce récit souvent sombre mais jamais complaisant.


Un immense merci aux éditions de L’aube pour m’avoir envoyé ce roman.

 

 

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