Mollo sur la win Christophe Esnault & Lionel Fondeville

Treize nouvelles corrosives, amusées, sur nos dérives et les tranquilles déraisons de nos aspirations. Mollo sur la win met en scène des paumés magnifiques – dérisoires et romantiques – se heurtant à leur solitude et à l’incompréhension qu’ils suscitent. Avec une délicieuse dérision (parfois un peu facile, quelquefois même un rien aigre), Christophe Esnault et Lionel Fondeville livrent dans ces nouvelles un instantané acide de notre époque et de son milieu culturel.

On retrouve dans Mollo sur la win un des traits de l’écriture de Christophe Esnault qui dans Poète né comme dans Lettre au recours chimique, m’a un peu embarrassé. Comme ce recueil a été écrit à deux, que je ne connais pas l’univers de Lionel Fondeville (je vous en parle bientôt cependant), je ne sais si je peux imputer à lui seul cette once de complexe de supériorité (on devine bien sûr tout ce qu’il peut avoir de malheureux) qui se retrouve dans cette satire particulièrement acerbe. Au fond, la nouvelle est un laboratoire : l’auteur peut y développer des univers différents dans un décentrement qui au fond révèle la cohérence de son univers ; les nouvelles peuvent aussi, comme ici, explorer un univers unique facilement deviné autobiographique. On retrouve dans Mollo sur la win cette description du monde de l’art envisagé comme une protestation. Sans doute est-ce Christophe Esnault qui irrigue ces textes d’une confiance radicale dans l’écriture. Difficile, malgré quelque excès dans la satire, de ne pas s’y reconnaître. Peut-être un truc de génération : quand on commence à s’y reconnaître, c’est pas bon signe. Un climat je trouve des années 2000, celui des autofictions, celui où écrire suffisait à justifier une existence. On le retrouve dans la nouvelle « Littérature comparée » où chaque auteur raconte (ou feint de le faire, j’aime l’idée qu’ils auraient pu inverser leur rôle) une expérience de leur ratage magnifique, vengeur, dans le monde littéraire. Mettre un coup de boule à Solers, quitter mondanité pour pêcher, baiser, les revues et leur entre-soi. Marrant. Un peu moins, avouons-le, par ce que cet univers obstinément masculin révèle de son rapport aux femmes (l’amour fou ou la misogynie de la femme enfant qu’il invoque). Cynisme d’une misanthropie affichée, tendresse mal masquée, solitude d’une rage adolescente. Un peu dérangé donc quand la moquerie se fait complicité pas totalement assumée.

Mollo sur la win m’a un peu plus touché dans son regard décentré sur cette marge, sa solitude, où évoluent tous les personnages de ce recueil. Un employé dans une grande enseigne de sport met des vers de pêche dans de la poudre pour haltérophile, prémédite une tuerie de masse, rencontre l’amour et subit les conséquences de sa petite vengeance. Nous avons, comme dans Lettre au recours chimique une jolie description de l’univers psy, des jeux de mots pour lacanien éclairé. Une façon de sonner juste, l’expérience sans doute. On le retrouve (plutôt chez Lionel Fondeville) dans cette nouvelle sur la vie d’un collège si difficile à évoquer. Mollo sur la win ou l’illustration de notre besoin hystérique d’attention, le grand isolement de nos sociétés qui nous pousse à aimer ce qui va se servir de nous comme un kleenex, une élève meurtrière qui va nous faire du mal, une larve ténia attrapée en Guyane. À nos amours. On se laisse prendre à ces récits rigolards et pessimistes.


Merci aux éditions du Cactus Inébranlable.

Mollo sur la win (106 pages, 15 euros)

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