La maison de verre Buru Quartet 4 Pramoyeda Ananta Toer

La fin des aventures de Minke par les tourments de celui qui le torture. Pramoyeda Ananta Toer conclut son examen minutieux, renseigné et habilement mené, de tous les aspects du colonialisme, ses manipulations et crasses, les luttes de pouvoirs indigènes autant que la répression coloniale. La maison de verre illustre alors la manière dont le roman n’est que surveillance généralisée, arrangements et dissimulations et ici, retour sur la véracité des précédents tomes.

On pourrait dire que La maison de verre souffre du même défaut d’un certain excès théorique, didactique. On y retrouve la même volonté de tout dire, de faire une claire synthèse des différents éléments historiques, connus et méconnus, d’une lente conquête de l’indépendance indonésienne, d’une tortueuse prise de conscience locale. Historiquement, la fresque est magistrale, elle parvient à mettre en lumière toutes les ambiguïtés, la noirceur profonde, d’un caractère humain face à l’oppression coloniale. On aurait, peut-être aimé un peu de glissements, de fantastiques, d’échappées de ce strict réalisme. Mais, j’aime qu’un roman interroge ma posture de lecteur. Ici l’attrait de l’exotisme. On va alors le dire ainsi : un roman qui examinerait avec autant de minutie, un savoir historique si maîtrisé qu’il parvient à s’incarner dans des personnages, m’aurait dans un contexte français intéressé sans tout à fait me passionner. À cette réserve, un peu de principe près, il faut avouer l’aisance avec laquelle on se laisse prendre à ce grand roman populaire.

Pour son dernier volume, Pramoyeda Ananta Toer change son point de vue, regarde ainsi ce qu’il reste de la résistance de Minke. La maison de verre donne la parole à Pangemanann. Habile retour sur les éléments racontés dans Une empreinte sur la terre. Pangemanann est celui qui conduit Minke en exil, celui sans doute aussi qui en est en partie responsable. Nous retrouvons alors toute la finesse du regard de l’auteur sur le colonialisme : éternel dialectique du maître et de l’esclave, la haine passe par la fascination, l’oppression par une délégation. Le pouvoir néerlandais opte pour une surveillance discrète, Pangemanann devient une sorte d’agent secret, le roman le réceptacle d’une surveillance généralisée. On comprend alors comment tout ce Quartet interroge la fiabilité de ses narrateurs. Dire je , commencer à mentir. Pangemanann exprime sa visqueuse adoration pour Minke, il veut poursuivre l’examen de son influence, coopérer ainsi avec le système. L’auteur sait nous le rendre presque sympathique, quasi compréhensible en tout cas. Ce sera lui qui volera les manuscrits de ce qui sera les trois précédents volumes, lui qui aidera le lecteur à comprendre qu’eux aussi souffrent d’un arrangement romanesque. Une façon d’assumer être un roman à thèse. Comme dans Enfant de toutes les nations, Ananta Toer souligne la manière dont jamais son peuple ne fut exemplaire. La surveillance permanente, la tolérance bonhomme devient une façon pour l’oppresseur de laisser la lutte s’embourber dans les luttes de pouvoir. Chacun y veut sa place. Au milieu, Pangemanann est aussi victime que bourreau. Notons aussi que ce sera dans ce dernier volume que l’auteur reviendra sur la longue histoire de Java, toute sa complexité. C’est d’ailleurs ceci que nous dit La maison de verre : la lutte pour une conscience nationale, les aléas de l’apprentissage d’une culture, l’invention d’une transmission de celle qui se construirait comme nationale passe par des déchirements, une grande complexité. On quitte à regret ce si instructif Buru Quartet.


Merci aux éditions Zulma pour l’envoi de ce roman.

La maison de verre (trad : Dominique Vitalyos, 596 pages, 11 euros 20)

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