La ferme aux poupées Wojciech Chmielaz

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Suite des péripéties de l’inspecteur Mortka cette fois exilé à Krotowice. On retrouve pourtant intact le charme des romans de Chmielarz : prise directe sur la normalité, jeu sur les codes du polar, intrigue solide qui dévoile l’acuité d’un regard social sans concession ni excès de noirceur. Plongée dans la Pologne à hauteur de flic, Chmielarz s’abstient de tout jugement dans ce polar plaisant.

Le changement de décor peut paraître une manière d’artifice. Façon commode de prendre du champs. Souligner des coïncidences bien sûr ne suffit pas à s’imposer en preuve. Mais où, en dehors du roman policier, croit-on encore que l’on peut attester de la réalité de nos motivations ? Mes prochaines lectures seront en partie polardeuse. Peut-être d’ailleurs faut-il reconnaître l’opacité de tout comportement pour se plonger avec un délice coupable dans des romans où tout semble être, in fine, parfaitement à sa place. La ferme aux poupées comme d’ailleurs Pyromane a le bon goût de ne pas trop s’aventurer dans les motivations du coupable ou de ne pas se résoudre dans un dénouement flou où se devine souvent un peu de mépris pour le genre du polar.

Foin de ces généralités. Wojciech Chmielarz s’impose comme un auteur majeur du polar polonais justement en soulignant le nulle part qu’est, pour un français depuis Jarry, la Pologne. Sans donc y voir un automatisme, Miloszewski dans Un fond de vérité exilait lui aussi son personnage pour nous donner une image de son pays profond. À la suite de Pyromane, Mortka (de plus en plus extérieur à lui-même) est envoyé en punition dans une petite ville où tous le monde se connaît, où le racisme anti-rom est exaspéré. Plus que jamais, il me semble que l’influence de Mankell se fasse sentir. Promenade dans une atmosphère sans commentaire. Banalité du travail policier et infinie bêtise de ses processus politique. Les fausses-pistes sont, peut-être, un rien trop abondantes surtout quand elles semblent servir surtout à explorer les lieux-communs du roman noir : pédophilie et prostitution.

Néanmoins, ce changement de décor ne livre aucun exotisme comme dans Pyromane, impossible de ne pas reconnaître notre propre pays. Nous avions le machisme dans le précédent volume, La ferme aux poupées explore le rapport avec les communautés tziganes avec la finesse de ne jamais sombrer dans le pathos. Chielarz sait pourtant ne pas faire de son regard un prétexte. Son intrigue demeure constamment tendue. J’aime qu’elle repose, pour ainsi dire, sur le mot – tout un symbole- outsourcing.

À chaque affaire, à chaque cadavre, il laissait une partie de lui-même. Il ramenait jour après jour un peu moins de lui chez lui. Il fut submergé par la peur de disparaître, ne laissant derrière lui qu’une coquille vide, un mécanisme sans pensée ni sentiment.

Plaisir naïf de la lecture d’une série. Là encore, La ferme aux poupées joue avec nos attentes. Mais n’est-ce pas là la définition du polar ? Mortka se dévoile dès lors en s’effaçant. Aucun besoin de lui inventer des traumatismes supplémentaires. Plus il se contente d’enquêter et plus Chmielarz (dans une langue parfois un peu trop neutre) nous le rend sympathique. Ne nous hasardons pas alors à plus commenter que l’auteur lui-même.


Un grand merci aux Éditions Agullo pour cet envoi

La ferme aux poupées (400 pages, trad Erik Veaux, 22 euros)

 

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