Le renvers Robert Alexis

Nouvelles d’affirmation vitale, d’existences trouées par l’exigence de mouvement et de dépassement, nouvelles de violence et de passion. Robert Alexis nous entraîne dans des univers – toujours très bien incarnés – de bouleversements et de basculements, dans des instants renversés d’être rendus à leur fluidité, à leur mouvement vers un autre chose, un absolu. Le renvers, dans la beauté de sa prose est un somptueux et inquiet recueil.

Un soupçon d’abord. Il répond curieusement, dans une inversion trop exacte, à celui ayant perturbé Gema de Milena Busquet. Le renvers, un livre de mec où violence vont en virée ? Sans doute un peu avant que l’écriture de l’auteur vienne, comme on dit, rebattre les cartes de cet univers d’homme entre eux (le grand Nord, la mer, la Russie, le passé des cathédrales ou des croisades). Qu’importe peut-être tant on se laisse prendre. Il est une indéniable hauteur, un rien de provocation, une vie radicale dans chacun des récits de Robert Alexis. Une sensation d’imminence, de coïncidences, qui sans doute manque à nos vies. Voilà qui est affirmé, avec superbe, tout au long du Renvers : « Sa vie, désormais, il lui semblait qu’elle était proche à le rejoindre. » Le renvers, l’instant de chavirement, de découverte, serait sans doute alors « l’accord du réel avec les forces neuves du corps », tout ce qui permettrait, nietzschéen, d’échapper, à « l’odieux, le méticuleux, travail de survie des espèces. » Des héros forts, vivants, éloge de l’intensité toujours plaisant à lire.

Il nous projette loin de ce que l’on connaît, il nous déracine, il assène des coups, il rompt nos certitudes, il n’est pas l’immédiate satisfaction des choses données par l’habitude.

Robert Alexis parle ici d’un chef-d’œuvre dans sa très belle nouvelle sur un jeune sculpteur qui invente sa première statue. Peut-être désigne-t-il aussi tout ce qu’il parvient à faire dans ses nouvelles. Éloge de la prise de risque dans une périlleuse traversée de ponts ou goût du naufrage (point de contact avec l’au-delà) dans la très melvilienne nouvelle « la Pêche miraculeuse », Le renvers c’est toujours cette extrême et lapidaire précision dans les situations disons de dépassement. Et puis le recueil à son tour bascule, se promène, toujours avec une belle distanciation stylistique, dans la transgression. Robert Alexis met en scène les troubles de la sexualité comme autant d’instant où horreur et fascination, meurtre et castration, se confondent comme on aperçoit, parfois, un reflet de son identité profonde. On pourrait oser le mot, Robert Alexis nous entraîne dans la perversion, souligne les justifications qu’elle invente, dit sans doute aussi bien au-delà de la réprobation la compréhension critique de sa force vitale. Il sait susciter une certaine sympathie pour ces personnages qui assument tous les mouvements de leur existence. Un homme viole peu ou prou un enfant handicapé, un autre vit avec des enfants destinés à être tués ou castrés, un autre revient sur ses plaisirs pluvieux et sur son incertaine identité sexuelle. On ne saurait quoi en penser, on se laisse entraîner par le charme vénéneux de ces histoires. Robert Alexis y déploie une grande élégance stylistique, une belle capacité à s’approprier des atmosphère, à faire jouer toutes la palettes de ses phrases pour restituer la diversité d’une vie qui flamboie dans chacune des nouvelles du Renvers


Un grand merci à Quidam éditeur pour l’envoi de ce livre.

Le renvers (264 pages, 20 euros)

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