Les harmoniques Markus Malte

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Back to blues.  Un retour au polar après des lectures denses. Un retour aussi en arrière dans l’œuvre de Markus Malte. Après avoir grandement apprécié Le garçon, je me penche avec curiosité sur un des polars qui l’a fait connaître. Du bel ouvrage.

D’abord un de ces rapprochements abusifs qui éclaire surtout celui qui les dresse et qui me permet de continuer à avancer masquer : comme Pierre Lemaître, Markus Malte a récemment quitté le polar pour s’aventurer dans la littérature dite blanche. Une distinction parfaitement absurde. À l’image d’Au revoir là-haut, Markus Malte se révèle un romancier singulier Peu importe la typologie de son œuvre. Il faut en tout cas absolument lire Le garçon.

Les deux auteurs partagent une approche du polar qui passe par une interrogation de ces codes. Markus Malte outrepasse les passages obligés du genre. Je me souviens d’une réflexion, de J-B Pouy, je crois, sur l’invraisemblance avec laquelle dès qu’un  personnage entre dans un troquet, il entend la reprise d’un vieux standard du jazz. Certes, aujourd’hui nos bistros cradingues résonnent à l’unisson de télévisuelles chaînes d’info en continu.

La beauté des Harmoniques est de s’écarter de ce réalisme pour évoluer dans un univers de codes et de représentations usées. Admirable de parvenir alors à se singulariser. On retrouve, au détour d’une phrase, son attrait pour les pommes sur lesquels il dissertait avec tant d’élégance dans Le garçon.

Revenons au livre en lui-même. Les harmoniques sont, selon l’auteur, les notes derrières les notes, ce qui reste quand il ne reste rien. Une admirable définition de la littérature. Pourtant Malte se contente, pour ainsi dire, d’écrire un polar. Une confiance dans sa prose, son rythme heurté et sec lui évite de commenter l’action ou de s’écarter de son intrigue.

Des personnages bien campés, plus archétypes que caricatures, en assument d’ailleurs un déroulement sans suspens inutile. Mister (ainsi prénommé pour reprendre le nom du chien de Billie Holliday qu’elle piquait à l’héro pour se sentir moins seule) pianiste de jazz est hantée par la disparition de son amour. Bob, amoureux transi des cimetières et philosophe sans qualité mènent une enquête dans l’essentiel tient à sa musicalité.

Le cliché est transcendé dans une plaisante irréalité. Un monde à l’écart, revendiquant discrètement de n’être qu’une invention. Détachée, peut-être, du quotidien mais pas de son ordinaire tragique. Les harmoniques que poursuivent les personnages sont, en somme, les sons enfuis de la guerre qui continue à hanter l’héroïne disparue. Dans des courts chapitre comme des chorus, des intermèdes à la savante improvisation, Marcus Malte creuse le motif.

La réalité devient un prisme cauchemardesque. Une mafia d’état qui montre un ministre de l’intérieur, au nom hongrois, gangrené par les hommes de l’ombre de la république. Un portrait de cette guerre en ex-Yougaslavie et des arrangements auxquels, n’en doutons pas, elle a donné lieu.

Dénonciation en sourdine, humour noir et discret, irrattrapable mélancolie. Tous les ingrédients d’un bon roman noir sont là. Avec ces vieux standards, Malte joue sa propre mélodie langoureuse.

 

 

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